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3 mai 2017

Norma Rae de Martin Ritt - 1979

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Martin Ritt est définitivement un cinéaste plein de dignité. Il réalise avec Norma Rae un film noble et honnête, et s'il est un poil anonyme au niveau de la mise en scène, il est tout à fait juste au niveau des faits, de la manière de raconter, des acteurs, de l'indignation. Ce qui frappe le plus là-dedans, c'est qu'il évite soigneusement les passages obligés de l'exercice, et cherche à être le plus près possible de ce qui s'est passé, sans faire un spectacle tonitruant ou un mélo facile. Le film raconte la naissance du syndicalisme dans l'industrie textile américaine des années 70, à travers le portrait d'une activiste malgré elle, Norma Rae, qui prend peu à peu conscience de la nécessité de la chose, dans un taff où les ouvriers sont littéralement à la merci des patrons. Ritt s'intéresse à la lente adhésion de chacun au syndicat, au travail de terrain plus qu'aux grandes manifestations, au minutieux détails plus qu'aux théories, à ceux qui font la gueule (patrons, vieux ouvriers méfiants) et à ceux qui y vont avec enthousiasme (jeunes, Noirs, femmes), et offre un vrai film de personnages avant que d'être un film engagé ou politique. Miraculeusement sobre, la chose ne tient qu'à l'honnêteté de ce qui est raconté, et aux acteurs, vraiment épatants. Mention, bien sûr, à la grande Sally Field, parfaite en petite femme sans caractère qui se trouve une dignité et un combat.

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Sans manichéisme, le film ne brandit aucune vérité. Tel un bon vieux Renoir, il revendique au contraire une humanité qui en fait la saveur : tout le monde a ses raisons et ses défauts, les patrons qui regardent d'un oeil torve le sentiment de révolte naître chez leurs ouvriers, le chef du syndicat (Ron Leibman, remarquable), qui compense le racisme dont il est victime (il est juif) par des méthodes un peu trop strictes, les ouvriers hésitants, et même Norma Rae, habitée de façon trop extrême par ses convictions politiques, et qui ne sait pas toujours jouer avec les psychologies. Le syndicat se monte sur ce socle fragile, Norma Rae s'écarte de plus en plus de l'individu vers le collectif, discrètement, notant la texture humaine qu'il faut pour faire de la politique. Et pour faire du fil aussi : Ritt excelle à filmer les gestes du travail, de façon presque documentaire, immergeant le spectateur dans le bruit des machines, montrant précisément ce qui se passe dans les temps de pause, la sortie de l'usine, etc. Il fait preuve d'un véritable amour pour ces petites gens, dont la pauvreté intellectuelle va trouver un héraut en la personne du syndicaliste : à son contact, Norma Rae s'émancipe, trouve une revendication sociale à elle, et la très belle scène de la grève est le sommet de cette thématique : elle, brandissant un carton avec "UNION" écrit dessus, et à ce seul mot basique, les machines qui, peu à peu, s'éteignent et font cesser leur bruit. C'est très épuré, jamais trop, et ça en dit beaucoup sur l'inutilité des mots dans un tel contexte, sur la seule force du symbole. Certes, la mise en scène est fonctionnelle, encore qu'il y aurait peut-être à creuser sur la belle alternance entre gros plans sur les visages et plans d'ensemble (magnifique plan, sur la fin, du dépouillement des votes, à la fois collectif et personnel) ; mais on l'oublie vite devant la beauté simple de ce film habité et proche des gens. Très joli.

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