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4 avril 2017

LIVRE : Journal d'un Nageur de l'ère post-Trump d'Olivier Silberzahn - 2017

9782862312637,0-4094303Un premier roman impressionnant, à la fois taquin et prophétique. Silberzahn est ingénieur en informatique, et profite de sa science en la matière, qu'il a vaste, pour tricoter un petit essai science-fictionnel assez pointu et très crédible. L'histoire commence en 2017, lors de l'élection de Marine Le Pen à la présidence de notre beau pays du fromage et des droits de l'Homme. Une élection que le narrateur du bouquin prend avec philosophie : lui préfère faire des longueurs de piscine dans son équipement high-tech, ou traverser des lacs en solitaire. Ainsi, d'années en années, il raconte la lente spirale de destruction du monde, qui démarre à partir de cette élection (et à la suite de celle de Trump, de Poutine, de May). Le monde, peu à peu, devient un chaos, sous les coups de bélier de la dé-mondialisation, de la fermeture des frontières, du repli sur soi. Sans jamais tomber dans le catastrophisme et le bon sentiment, le gars démontre, par les chiffres, par la technique, par des considérations géo-politiques souvent pointues, la déréliction du monde tel que nous le connaissons, et l'avènement d'une nouvelle race d'hommes, remplaçant l'Homo sapiens actuel : l'Homo augmentus, hyper connecté, enfermé dans ses "bulles informationnelles" qui le sépare de plus en plus de la vie, complètement asservi aux objets et à l'argent, complètement à la merci des grands enjeux politiques. Le constat est effrayant, et on voit avec beaucoup de lucidité comment un fait politique, comment une poignée d'hommes incompétents, peuvent détruire la société... mais, et c'est là que le roman est le plus terrible, cette société donne place à une autre, sûrement plus froide, sûrement plus sécuritaire et fasciste, mais une autre, vivable et potentielle. L'avènement de Le Pen n'est en fin de compte qu'un prétexte à la description d'un monde qui, à force de jouer avec l'argent abstrait, l'effacement des frontières, le péril écologique, la multiplication des réseaux, ne voit pas sa perte venir. La fin du bouquin est glaçante, et notre narrateur se verra errant comme un fantôme à la surface d'un lac, désormais sans origine et sans but.

L'écriture de Silberzahn n'est pas facile, très technique, et son roman prend souvent l'aspect d'un essai géo-politique assez ardu. Mais malgré ça, on suit avec angoisse ce suspense à grande échelle, convaincu qu'on tient là un livre qu'on lira dans 20 ans en se disant que le gars avait tout prévu. La grande idée est d'avoir fait de cet ingénieur houellbecquien un nageur, ce qui lui donne une grande distance et une certaine froideur dans sa façon d'aborder les choses. Un peu de cynisme pointe son nez ça et là, mais comment en vouloir à l'auteur, quand il s'agit de décrire un monde monstrueux et de tenter de le comprendre ? C'est décidé, dès demain je me déconnecte de Facebook et je me mets à la brasse.

Commentaires
E
L'auteur n'est pas cynique, mais sceptique. On peut, si on demeure optimiste, ne pas croire comme lui que nous nous enfermons chacun dans notre bulle, geersphère contre fachosphhère, etc; mais que, otiosus cum dignitate, on peut encore lire du Mediapart et du Sputnik comme information,, et penser libres; L'auteur honnête homme s'excuse, au reste, page 140, d'avoir naguère contribué à une mortifère " reconstruction électronique intégrale du cerveau humain"
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