Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
4 mars 2017

Les Codes / Les Chiffres (Szyfry) (1966) de Wojciech Has

vlcsnap-error160

Les films de Has ne laissent jamais indifférent et posent, sans avoir l'air parfois d'y toucher, quantité de problématiques. Il est question ici d'un homme qui revient en Pologne vingt ans après la fin de la guerre ; il a lui-même combattu sur le front de l'Afrique de Nord et n'a donc pas participé directement aux événements qui se sont déroulés à cette époque dans son pays. Il revient pour retrouver sa femme (qui a un léger grain) et son fils aîné (avec lequel les rapports sont tendus) mais surtout pour enquêter sur la disparition du fils cadet. Bien que dès le départ, au sein de sa propre famille comme au contact des gens qu'il rencontre, il sente une certaine froideur (il ne peut comprendre cette époque puisqu'il n'y était pas… et puis pourquoi chercher à remuer ainsi le passé, hein, pourquoi ?), il continue d'interroger des gens pour lever le voile sur cette disparition. Parallèlement à cette enquête de "terrain", Has livre plusieurs passages "fantasmés" dans lesquels on retrouve notamment des images de ce jeune garçon disparu pendant la guerre - des séquences visuellement assez "stupéfiantes" sujettes à moult interprétations.

vlcsnap-error257

Sans vouloir reprendre le très beau travail d'analyse d'Anne Guérin-Castell sur ce film (je m'interdis généralement de lire quelque chose avant de livrer ma petite chronique mais j'ai craqué), disons que cette œuvre "à deux facettes" est assez intéressant dans l'un et l'autre de ses aspects : coté enquête, Has livre un film qui - sans aller jusqu'au terme de "thriller", on est chez Has, n'exagérons rien - possède un certain suspens ; chaque individu que le vieil homme rencontre semble vouloir livrer sa petite facette de l'histoire et le héros tente de recoller chaque morceau un à un ; la scène la plus marquante est sans doute celle qui a lieu devant cette église (alors même que les cloches sonnent : l'instant crucial sans même parler d'éventuels aspects symboliques) lorsque le fils aîné craque et fait une longue déclaration à son père pour lui ouvrir les yeux ; si l’autre fils a disparu ce n'est pas du tout de la façon dont il le pensait… mais, au final (cela ne permettant en rien de le retrouver), qu'est-ce que cela change ? Le père a insisté tant et plus pour savoir exactement ce qu'il s’était passé et il se rend compte alors même que la vérité s'offre à lui que cela ne change absolument rien : son fils est mort comme des milliers d'autres à cette époque ; cette mort tout comme son absence à cette époque sont finalement les deux seules choses sûres et certaines qu'il peut regretter. Point.

vlcsnap-error671

Les séquences oniriques ouvrent sur des thématiques aussi diverses que l'abandon des enfants pendant la guerre, sur l'imagerie catholique ou encore sur certains faits (comme l'exécution de prisonniers) que le cinéma ne peut chercher à reconstituer (Has décide d’employer une photo pour illustrer le tir de soldats sur des prisonniers - Godard doit applaudir des deux mains)... Ces scènes ouvrent une brèche dans un récit très linéaire et très construit et possèdent une évidente force d'évocation ; ce sont-elles d'une certaine façon qui viennent souligner l'aspect vain du parcours de l'homme – il n’était pas là pour venir en aide au gamin et arrive définitivement trop tard. Notre homme, d'ailleurs, finira par comprendre quel doit être dorénavant son rôle pour véritablement aider les siens et décidera à la dernière minute de rester en Pologne ; il pourra ainsi demeurer au chevet de sa femme. Un film qui explore deux voies (réaliste et « visionnaire ») mais qui permet intelligemment d'illustrer, de mettre en lumière les mêmes idées du cinéaste. Audacieux et superbement construit.

Commentaires
Derniers commentaires