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12 février 2017

Canoa (1976) de Felipe Cazals

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Voilà une histoire mexicaine édifiante, reconstituée avec les moyens du bord par le gars Cazals. Une histoire "classique" de foule en colère, de villageois manipulés, d'un lynchage en bonne et due forme... Est-ce vraiment la peur (du communisme, des "étrangers", de "l'anarchie étudiante"...) qui est à l'origine de ce massacre à la hache ou est-ce tout simplement la simple folie et bêtise humaine qui, dès que l'occasion se présente et en absence de garde-fou, aiment manifester sa sauvagerie, son animalité ? (la problématique est posée). Au départ, il y a ce petit village perdu au pied d'une montagne : à sa tête, un prêtre qui, derrière ses lunettes noires de dictateur sud-américain, contrôle habilement ses ouailles ; il est non seulement impliqué dans les sociétés en charge de l'électricité, de l'eau... mais il est aussi celui qui sait placer ses pions à tous les niveaux politiques locaux ; lors de ses prêches, il met en garde constamment ses concitoyens contre l'invasion du communisme et les mauvaises intentions des étudiants de la "grande ville" voisine, Puebla, qui, à la moindre occasion vont venir mettre le souk dans le village et les spolier... Un récit d'un autre temps, du Moyen-Age alors que l'on est en 1968, à 15 jours des Jeux Olympiques de Mexico. Cinq jeunes gens qui travaillent à l'Université - de simples employés - vont avoir la mauvaise idée de décider de partir un week-end à Canoa pour gravir sa fameuse montagne. Ils arrivent, il pleut à torrent, ils cherchent un refuge et rapidement la rumeur se disperse dans toute la ville comme une trainée de poudre que les "envahisseurs" sont là ; il suffit de deux trois vieilles femmes qui racontent n'importe quoi, de dire à machin qui dit à machin d'aller chercher une torche et de se donner rendez-vous à l'église, pour que rapidement toute une ville se mette en branle contre "les ennemis". Il n'y a plus qu'à trouver l'endroit où ils se cachent et de se munir de hache, de pierre et de fusil pour leur fait la peau en toute impunité - puisque le village fait corps ; pendant ce temps-là, notre petit prêtre prie, ses petites marionnettes, il peut leur faire confiance, sont bien dressées.

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Cazals attaque son récit sous plusieurs angles (l'état des lieux de ce petit village où l'analphabétisme domine, l'histoire particulière de ce prêtre qui a su intelligemment faire son trou, la présentation de cette bande de potes qui déconnent et qui se font une joie de passer un week-end paisible et silencieux) avant de nous plonger dans ce déferlement de sauvagerie, de violence, de barbarie ; la mise à mort de "personnes étrangères au village et potentiellement dangereuses" (quand la foule tombe sur eux, elle ne cherche même pas à comprendre le pourquoi de leur présence - elle craint au départ que ces étudiants plantent un drapeau noir et rouge en haut de leur église : on voit bien à quel point cet acte mérite une punition exemplaire...) semble galvaniser nos troupes insidieusement influencées par ce grand manitou de prêtre qui sait parfaitement comment motiver ses hommes : avoir un ennemi commun. La démonstration est claire et nette et laisse forcément pantois. Il est certes un peu dommage que Cazals, pour interpréter notamment les petits jeunes, doive se rabattre sur des comédiens amateurs un peu légers mais il se rattrape avec cette figure inquiétante de prêtre "godardien" et ces scènes de foule criante de vérité : "tiens un homme à terre ; est-il mort ou non ? Bon, on va quand même lui sectionner la main à coup de hache, pour la route". Cazals, à défaut de réaliser une reconstitution cinématographique inoubliable, démonte tous les ressorts de cette tragédie pour tenter d'expliquer comment on a pu en arriver là. Des hommes moutonniers sauvages comme des loups ; un portrait sympathique de l'humanité illustré par cette œuvre d’honnête facture.   

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