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4 février 2017

Le Jugement des Flèches (Run of the Arrow) de Samuel Fuller - 1957

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C'est pas encore aujourd'hui que l'optimisme de Fuller pointera le bout de son nez. Avec ce western désabusé, son amertume est toujours aussi évidente, et sa foi en l'Homme toujours aussi fragile. En tout cas, il nous propose ici un film magnifique et profond, qui satisfera aussi bien l'amoureux de l'Histoire américaine que le fan d'action. La première scène pose bien les choses : un Nordiste arpente le champ de bataille désolé d'Appomatox, mais une balle vient interrompre son errance ; elle est tirée par le confédéré O'Meara, et ce sera la dernière balle tirée de la guerre de Sécession ; Lee va en effet reconnaître sa défaite. C'est sur le sentiment de rancune, de fierté et d'incompréhension vis-à-vis de cette défaite que O'Meara va construire son histoire. Ne supportant pas de devoir se ranger aux avis des Etats Unis d'Amérique, il part à l'aventure et est bientôt recueilli par les Sioux, comme faisant partie d'un des leurs. Il faut dire qu'il a relevé haut la main le défi du "jugement des flèches", qui consiste à courir comme un damné dans une chasse à l'homme terrifiante. Quand une armée de blancs vient avec comme projet de construire un fort, c'est lui qui est envoyé par les Peaux-Rouges pour trouver l'endroit adéquat. Mais la vilenie de l'être humain rôde, et sur de tels mauvais sentiments on n'arrive pas à construire une société. A cheval sur ses deux cultures, littéralement hanté par la défaite, obnubilé par sa haine des Yankees, O'Meara est en proie à mille tourments, qui se concrètiseront par la cristallisation de sa violence envers un lieutenant raciste. Que ce soit du côté des Sioux ou de celui des blancs, pas un pour rattraper l'autre, tout n'est que mépris et incompréhension, on est mal barré pour la suite. Et c'est la balle tirée au tout début du film qui concluera à nouveau la chose, dans ce film littéralement envahi par l'amertume.

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Rod Steiger porte à lui seul pas mal de la beauté vénéneuse de ce werstern. Il est parfait, à la fois enfant boudeur et bûté dans ses rapports avec les Américains, et tout en noblesse dans ses rapports avec les Sioux, ruminant tellement sa haine que son visage s'en trouve bouffé de l'intérieur. Le film, on peut le dire, laisse toute leur place aux Indiens, qu'on a rarement vus aussi convaincants (Bronson, pourtant, en chef de clan). Même si eux aussi, dans leurs rangs, comptent quelques misérables va-t-en-guerre (Crazy Wolf, salaud !), même s'ils ne sont pas exemptés des faiblesses humaines, Fuller les regarde comme des hommes, et non comme des silhouettes à décaniller. Il prend le temps de faire exister la petite famille bancale constituée de O'Meara, de Yellow Mocassin (Sara Montiel, nickel) et de leur petit gamin muet (une scène dans les sables mouvants qui vaut des points). Mais le film est surtout beau dans son désespoir, dans ce qu'il montre d'une Amérique qui se bâtit sur la violence, sur la rancune : entre "native" et arrivants, entre Nord et Sud. Tout le monde ou presque, dans le film, est mû par des sentiments sombres, même s'ils s'expriment dans la noblesse. Et la tristesse envahit peu à peu les sentiments guère avouables des personnages : un homme qui achève son pire ennemi pour lui épargner la douleur, ou qui reproduit le "jugement des flèches" pour donner une chance à un Indien, les nuances de sentiments sont très belles. Fuller filme tout ça à hauteur d'homme, axé autour de son ambigu interprète principal, et réussit quelques scènes d'action impeccables (les cadres sur les pieds pour montrer la chasse à l'homme, la joie des Indiens qui partent en chasse, la dantesque attaque finale où les figurants tombent comme des mouches), et sert un film dégoûté qui ne tend qu'à prouver que, tant qu'il y aura des hommes, ils s'écharperont joyeusement en attendant la fin. Les Etats-UNIS d'Amérique ? tu parles...

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Full Metal Fuller, here
Go to the Mid-West

Commentaires
H
Cela va sans dire, mais ça va mieux en le disant : le corollaire de mon petit laïus ci-dessus à propos de l'inévitable processus de déviatlisation du western (entamé dès les années 1950), c'est que ce dernier a fini par devenir ce que précisément il n'était pas au départ (ou pas seulement) : une pure reconstitution historique (d'où peut-être le problème de port du chapeau, devenu plus « scolaire », qu'évoquait Mitch). Et ce qu'il y a gagné en véracité (indéniablement, dans l'ensemble — même si l'on sait qu'il y eu très tôt des westerns pro-indiens, véristes, etc.), il l'a perdu en puissance d'imaginaire, et en vitalité du genre. Cékûheffedé.
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6
Mais vi, mais vi, il a aussi eu ses coups d'éclat le Willy ! J'aime Les plus belles années itou. Et Dodsworth. Et Jezebel, L'héritière, Un amour désespéré... et les meilleurs passages de Ben-Hur. <br /> <br /> Mais mon préféré reste The Collector, et de très loin. Film à la beauté vénéneuse, à caser pile-poil entre Le voyeur de Powell et Twisted Nerve pour s'envoyer une putain de trilogie Psycho-swingin' London !
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A
La Loi du Seigneur est carrément indigeste, aucun doute là-dessus. Tu ne cites pas le fort réussi "Les plus belles années de notre vie" dont le propos autour de la guerre n'est pas tellement loin de notre sujet. <br /> <br /> Mais bon, je n'insisterai pas sur la séquence bagarre de Big Country car je n'y suis pas plus attaché que ça. (Ceci dit, elle reste apparemment dans les mémoires, c'est donc qu'elle a un peu de force de... frappe) . <br /> <br /> Et après tout, on peut toujours renverser la vapeur de tel ou tel argument. "Il montre ça, donc il veut dire ça, mais le contraire marche aussi... "
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P
Wep. L'a raison le Brenouillon. Cela fait belle lurette qu'on ne met plus de crispins, chez le Piscéno-Mohélien, lorsqu'il s'agit d'écorcher un ou deux titres chers à autrui. Et jusque-là on a (presque) toujours réussi à éviter la riflette !<br /> <br /> Hum, sinon, dans le genre western fleur-au-fusil j'en vois un charmant qui précède le Kloug de Billy Wyler de bien quelques berges, moi: Four Faces West avec l'éternel Jo McCrea.
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D
Et puis, pour une fois qu'un western est réalisé par un Alsacien...<br /> <br /> Et puis pour une fois qu'un western prêche la non-violence...<br /> <br /> Et puis la zique boum boum est tellement super bien.
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