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19 janvier 2017

Baccalauréat (Bacalaureat) de Cristian Mungiu - 2016

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Après la corruption aux Philippines, voici le système économique pourri de la Roumanie contemporaine, et c'est guère mieux. Mungiu organise toute sa trame autour d'un homme, amoureux de son pays (il y est revenu après la mort de Ceaucescu), mais convaincu que l'avenir de sa fille est dans sa fuite. Tout tient au fait qu'elle puisse obtenir le bac pour pouvoir aller faire ses études en Angleterre. Mais la veille de l'examen, elle se fait agresser, ce qui la fragilise ; et de plus, elle commence à s'apercevoir que le fantasme de son père n'est peut-être pas pour elle, et qu'elle préférerait être avec son petit ami, et continuer à être tranquillement roumaine. La petite histoire qui rejoint la grande, donc, et un portrait de la Roumanie guère reluisant, où tout, strictement tout, passe par les petits arrangements. Il faut un 20 à ta fille en chimie ? On peut s'arranger, parce qu'untel m'a aidé pour obtenir une place à mon fils, parce que je l'avais aidé à oublier un pot-de-vin un peu gênant, parce qu'il a fait monter le nom de mon neveu pour un boulot, etc. Un des personnages finit même par reconnaître qu'il a besoin de filer une enveloppe de biffetons à un chirurgien, parce qu'il a peur de mourir s'il ne le fait pas. Au milieu de cette gabegie sans violence, mais qui gangrène les relations sociales, Romeo veut être honnête : tous ses actes sont purs, il tient à sa droiture, mais le monde tel qu'il est finit par le rattraper. C'est un héros proprement positif que nous propose Mungiu, mais être bon dans un monde vérolé est sans issue, et notre gars va être obligé de céder à la corruption, et ses jours vont se transformer en enfer.

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Ça commence par une pierre qui est lancée dans un carreau, pierre dont on ne saura jamais qui l'a lancée. Puis chaque scène va ainsi se déployer, au bord du danger, au bord du mystère, au bord de la faute. Le plus frappant, ce sont ces téléphones qui sonnent ou vibrent dans à peu près toutes les scènes, comme un réseau secret qui bat derrière le film, comme s'il suffisait de répondre pour tomber dans une nouvelle brêche. La vie, on le sent, continue à battre derrière le cas spécifique de ce quinquagénaire né dans la mauvaise génération, et Mungiu sait bien déveloper ces micro-trames parallèles. Il utilise pour ce faire de très longs plans, souvent des plans-séquences, laissant aux acteurs toute la place pour développer des dialogues fins et bien écrits. Mais c'est aussi dans son mystère, dans ce qui n'est pas expliqué, que le film tient bien : des scènes étranges, comme celle où Romeo descend d'un bus comme s'il avait vu quelqu'un, et se retrouve tout à coup dans une sorte de terrain vague, dangereux, plein de menaces et de bruits effrayants : ou comme cette intrigue policière qui ne se résoud pas. C'est vrai que du coup, le film échappe souvent, vous file entre les doigts façon poisson. Il est très (trop ?) long, et contient pas mal de scènes bizarres, déconnectées, qui compliquent un peu inutilement la trame. Mais elles participent aussi à la densité de ce récit, à ses pistes probables, et c'est pas plus mal. En tout cas, on aime cet état des lieux d'un pays abandonné par une génération, puis repris par une autre, on se passionne pour ce délitement moral d'un homme trop naïf pour vivre dans le monde d'aujourd'hui, on goûte ce portrait moral peu réjouissant, et on apprécie le jeu sobre d'Adrien Titieni. Ce qui suffit à notre bonheur, et compense les quelques crâneries de scénario et les quelques longueurs de la chose.

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