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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 janvier 2017

Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan - 2016

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Forcément, après l'infime délicatesse du film de Polonsky, qui traite d'un sujet semblable, on retombe bien le cul par terre avec l'artillerie lourde américaine : Manchester by the Sea vous tire les larmes aux forceps, en met partout, et vous sort les énormes moyens pour faire vibrer vos petits coeurs. Le résultat est qu'on reste tout à fait extérieur à ce film qui tâche la nappe en mangeant trop salement. On ne sait pas trop s'il faut une grande audace ou si c'est la preuve d'un soupçon de connerie d'oser sortir l'adagio d'Albinoni pour évoquer une tragédie, mais j'avoue que mon coeur penche plutôt vers la deuxième option.

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Le gars ne s'épargne donc pas dans ce long film qui raconte le retour au pays d'un mauvais garçon. Son frère est mort, et le compère se voit affublé d'un adolescent quelque peu adolescent. Lui veut rester seul et sauvage, suite à un drame dont je ne vous dirai rien pour pas péter l'ambiance, mais qu'on sent bien lourd puisque Albinoni il y a. En tout cas, il est connu comme le loup blanc, et se bagarre dans les bars pour montrer qu'il est hanté par son passé. Il va lui falloir le reconquérir, ce passé, comme ils disent dans les punch-lines en haut des affiches, et se trouver un rôle inattendu de responsable vis-à-vis de l'ado en question. Lonergan met 2h25 à nous raconter ça, on aurait préféré qu'il aille plus dans la concision et boucle la chose en 1h40. Pas que le gusse soit maladroit : par exemple, il est pas mal dans les atmosphères, rendant très crédible sa petite ville où tout le monde se connaît, soignant ses lumières et ses décors pour évoquer le poids d'une communauté. On aime ces plans nonchalants sur Manchester (Massachusetts), et le réalisateur est assez discret et juste quand il décrit l'hiver et les ambiances de sa ville. Il dirige aussi assez bien ses acteurs : Casey Affleck est très bien dans ses scènes du quotidien, et le gusse qu'il a déniché pour jouer l'ado est parfait lui aussi, énervant et touchant comme il faut. Même la mise en scène est parfois inspirée, quand elle est simple, quand elle montre des gars marchant dans une rue (90% du film sont composés de dialogues) ou les infinies balades en voiture que se tapent les personnages. Il y a là une belle patience dans le montage, un goût pour le pas grand-chose qui fait sens ; la tension monte doucement au fur et à mesure que le secret de Lee se fait jour, et ce grâce à une belle gestion du scénario, qui sait déclencher l'inquiétude par un seul geste ou un regard un peu fuyant.

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Mais à côté de ces belles qualités, les défauts sont tout de même nombreux. D'où vient cette idée absurde, par exemple, de pratiquer un montage hyper-rapide sur des scènes qui n'en ont pas besoin ? Et quand je dis rapide, ça n'évoque qu'en partie la frénésie qui s'empare du découpage parfois, où on a droit à des images quasi-subliminales sur une voiture qui sort d'un garage ou des gusses qui sont en train de manger. La même scène, montrée sous des angles légèrement différents, est ainsi montrée façon staccato dans des séquences absolument incompréhensibles. Pareil : sûrement pour montrer qu'il y a du monde derrière la caméra, Lonergan utilise des boutons de sa caméra un peu improbables : comme pour le ralenti, par exemple, effet utilisé lors de l'enterrement du frère et qui n'a aucune utilité. Ça donne même un ralenti sur un téléphone portable qui vibre, comme si le gars avait oublié de couper l'effet. J'avoue que la mise en scène, la plupart du temps, m'a complètement échappé, et je suis à deux doigts de penser qu'elle a également échappé au réalisateur, puisqu'elle semble le dépasser complètement, malgré ses efforts. Et puis, le film est très très lourd dans son scénario, les effets sont appuyés. Il y a même une scène qui n'aurait pas dépareillé dans un bon vieux Woody Allen, mais qui ici est envisagé avec un sérieux mormon : un dialogue impossible entre Lee et son ex-femme, tout en "I mean... you kow... I'm just... no !... I'm I'm", parfaitement poilante mais ce n'est visiblement pas le but visé. Bref, de gros sabots bien épais pour un film qui se veut délicatement fragile, ça finit par se voir.

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