LIVRE : Le Brady Cinéma des Damnés de Jacques Thorens - 2015
Très rigolo et truffé d'anecdotes cinéphiliques savoureuses - au rayon série Z - que cet ouvrage signé Jacques Thorens. Le Brady n'est autre que le cinéma que posséda, fut un temps, le grand génie du cinéma français Jean-Pierre Mocky (je dis cela uniquement par lâcheté et pour ne pas risquer de me faire engueuler par le maître à l'occasion... Il a en effet généralement plus de réparties que de sens de la mise en scène - je dis ça, je dis rien). Proposant dans une salle un film de Mocky et dans l'autre un double programme avec généralement deux merdes, le Brady put longtemps se targuer de passer en un seul endroit trois bouses du septième art. Pas grave, me direz-vous, puisque l'essentiel des spectateurs était composé de clodos en manque de sommeil ou d'homos entre deux âges en manque de branlettes à moindre coût... Tout un programme, donc ! Mais, mais, et c'est là que s'opère le retournement de situation après ces petites critiques vives et faciles, on adore justement la façon dont Thorens évoque ces films oubliés et réalisés avec deux bouts de ficelle, ces pépites d'un autre temps tout rayés et mâchouillés qui n'avaient peur d'aucun ridicule et se permettaient toutes les audaces - qu'il s'agisse de film d'horreur à deux boules ou de films de boules à deux sœurs. Des panouilles génialissimes et surtout rarissimes qui feraient parfois pâlir d'envie (putain le film est une copie grecque devenue toute rouge, on voit rien, c'est forcément culte) tout honnête chroniqueur de Shangols - Ilsa, la Louve des SS, avouez que rien que le titre fait envie ! Ah ben sinon c'est que vous n'êtes pas joueur... Même certains films de Mocky (pas la production des cinquante dernières années, hein, juste avant...) deviendraient presque attractifs tant Thorens met une certaine foi à les résumer et à balancer deux trois historiettes sur les acteurs, stars confirmées ou amateur à tronche. Mais ce qui rend cet ouvrage d’autant plus plaisant, c'est surtout la façon dont le Jacques évoque toute la faune qui fréquentait pour la turlute ou pour dormir cet antre du cinéma des oubliettes. Qu'il parle des figures incontournables tel un certain Django ou des putes bulgares qui trouvaient dans le hall quelques minutes de repos, on se dit que cette salle avait indéniablement quelque chose de plus vivant (dans le pathétique ou les anecdotes à la con) que ces affreux machins que sont les multiplexes... Une salle de cinéma où le spectacle n'était ni sur l'écran, ni dans les chiottes (quoique) mais dans le hall d'entrée et la salle aux sièges douteux. A la lecture dudit ouvrage, on s'attache à ce lieu qui semble dater d'un autre siècle tout comme à la figure de Mocky qui semble d’ailleurs tout autant dater d'un autre temps (on apprend en passant qu’il continue apparemment de tourner et de sortir des films avec un succès qui suit de très près la courbe de popularité de Hollande - quand il fait 10 spectateurs, on peut parler dorénavant de blockbuster mockien). En un mot comme en cent, un bouquin pour tous les amoureux du cinéma, même celui qui flirte avec les pâquerettes.