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15 décembre 2016

Théo et Hugo dans le même bateau d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau - 2016

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Les deux bougres continuent vaille que vaille leurs pérégrinations, et retrouvent leurs amours d'antan, celles toutes d'amour et de romantisme. Il faut reconnaître que ça leur va beaucoup mieux au teint que les reconstitutions historiques. Avec ce film discret et simple, ils sont à nouveau sur les traces ténues qu'ils avaient trouvées jadis, et nous offrent un film envoûtant, moderne. Théo et Hugo, jeunes Parisiens d'aujourd'hui, se rencontrent et s'enculent gaiement dans une boite. Coup de foudre, ils ont trouvé cette magie qui commence les histoires d'amour. Sauf que Théo n'a pas mis de capote, et que Hugo est séropositif. En temps réel, durant les jolies heures où la ville dort, on va suivre ces deux nouveaux amants à l'hopital, en entretien médical, puis dans leurs déambulations, s'engueulant, s'aimant, se frappant, se quittant, renouant, jusqu'à l'aube, où leur amour va définitivement se forger ("Regarde, 6 heures, c'est là que tout commence"). Il y a une croyance adolescente dans le pouvoir de l'amour dans ce film maladroit comme un enfant et touchant comme tout. Ducastel et Martineau, romantiques et candides, regardent ce couple en train de se faire avec la joie des débutants, encore persuadés que le sentiment est possible aujourd'hui, que quelque chose reste, malgré le Sida, malgré le sexe à outrance, malgré les disputes et les différences, quelque chose de fort, de sanguin, de beau. Et la sincérité du film touche, dans la démarche presque plus que dans le résultat.

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Car oui, il y des défauts dans le film : les acteurs sont pas toujours très justes, les cinéastes sont un peu schématiques dans les dialogues, il y a un côté "petit pédé parisien" qui peut laisser de côté. Mais Ducastel et Martineau transforment chacune de ces faiblesses en avantages. La maladresse des acteurs par exemple colle parfaitement avec leur jeunesse, avec cette fragilité des débuts, avec leur côté excessif, et on se reconnaît sans problème dans leurs hésitations ; les dialogues sont certes très écrits, mais leur écriture classique confère au film un côté désuet absolument charmant ; et le côté "sexe homo à Paris" donne l'impression qu'on regarde une certaine partie de la société peu souvent filmée. Les gars ne sont pas manchots avec la caméra, et le challenge était fort de filmer tout ça en temps réel. Qu'ils se lâchent sur des très beaux travellings ou travaillent des champs/contre-champs "naturalistes" (ce sont les acteurs qui viennent se placer devant la caméra, et non l'inverse), ils développent une vraie musique, et montent leur film absolument au taquet. Les rues désertes de Paris, dont on reconnaît les quartiers, sont magnifiées par une très belle photo ; et le premier quart d'heure, frontal, audacieux, dans la boîte à partouze, est un vrai choc esthétique. Les gars diffusent une bande originale forte et habitée, qui magnifie encore les sentiments de nos deux tourtereaux. Formellement le film est magnifique, même les couloirs ternes de l'hopital sont regardés avec amour.

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Mais c'est aussi dans le fond que le film convainc, dans cette foi inébranlable dans la beauté des commencements, dans la vie qui passe "quand même", dans cette histoire possible qui naît en direct sous nos yeux. Une ballade en vélib, un kebab échangé, une conversation dans le métro, la simple contemplation de la Seine au bout de l'Île de la Cité, une petite pipe amoureuse, font oublier que le Sida est là, que la mort rôde, que la trithérapie va être longue et ardue. Et que les histoires d'amour sont faites de déceptions, de disputes, de ruptures, et se termineront un jour. Le film est hanté par l'idée de la fin, mais est aussi rempli des joies et des découvertes des débuts, et ceux-ci gagnent la partie. Ducastel et Martineau retrouvent, avec cette odyssée intime et sexuelle, quelque chose de la légèreté de la comédie musicale (un des personnages s'appelle Demy), et livrent leur meilleur film depuis Jeanne et le Garçon formidable. C'est pas rien.

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