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8 novembre 2016

LIVRE : Chanson douce de Leïla Slimani - 2016

9782070196678,0-3351413Je me suis réjoui trop vite ; "Le Goncourt récompense un carnage familial", lis-je, et moi, pauvre bête que je suis, pense immédiatement à l'atmosphère glauquissime du merveilleux Règne animal (qui, apparemment, n'était déjà plus en compétition pour le prix "suprême"... Pas au courant de tout, hein). Je clique, tout à ma future joie de voir primé ce livre campagnard ambitieux et superbement noir et pam je tombe sur "Chanson douce récompensé"... Ah merde. Je n'avais pas fait le lien avec le bouquin de Slimani : j’aurais dû, mes amis, car j'étais justement en train de le lire (et je viens donc juste de l'achever pour vous donner mon humble avis sur ce new Goncourt tout frais tout chaud) : y'a des hasards, je te dis pas, la vie se fait lelouchienne parfois, incroyab’. Bref, très déçu pour Del Amo, d'autant que l’ouvrage de cette jeune écrivaine est loin de casser des briques... En parcourant vite fait bien fait deux trois articles (et pam le Renaudot à Yasmina Reza... Ah merde), j'ai vu que certains critiques (les vrais, hein, pas nous) mentionnaient en référence l'ombre de Simenon... Je dis cela uniquement pour faire grimacer mon camarade pour lequel, justement, ce n'est pas vraiment une référence... Avouons, positivement, que Slimani écrit sec, simple, et que sa prose, sans grande prétention, est plutôt efficace - pas Hemingway, non plus, faut rester calme. Disons, aussi, négativement, qu'elle se contente surtout de narrer des faits, les portraits psychologiques ne semblant pas vraiment son point fort… Dès le départ dudit livre – tout effet de suspense étant broyé dans l’œuf, pas plus mal sur ce genre de thématique -, on est mis devant le fait accompli : une nurse égorge deux enfants en bas-âge (bien fait de mettre la mienne en petite section, se dit-on). Comment, nom de Dieu, en est-on arrivés là (inspired from true events in the US, viens-je même d'apprendre) ? Eh ben voilà, vous prenez deux parents un peu ambitieux, l'un dans la musique, l'autre dans le droit (aucun lien avec les Sarkozy, je vous vois d'ici ricaner bêtement), deux parents pris soudainement par leur carrière, deux parents qui trouvent en une certaine Louise une perle de nurse et tout s'enchaîne... Plus ils lui confient de tâches, plus ils sont dépendants d'elle, plus ils lui font confiance, plus ils s’aveuglent – et ce sans jamais vraiment s'inquiéter des petits soucis de cette pauvre Louise si gentille et serviable... Pas le temps, c'est le mal du siècle, pas le temps de s'occuper des enfants, de leur éducation, de leur affect, pas le temps de s'occuper de ces petites gens, qui coûtent cher, hein, quand même, mais qui ne mouftent pas trop, non pas le temps... Slimani tente bien de mêler à son récit quelques brefs flash-forwards (que deviendront ensuite ces pauvres parents sans leurs enfants ?) pour rompre le fil narratif du récit, l'ouvrage se concentre avant tout sur la dévotion de cette bonne Louise envers ces chérubins... Des chérubins qui s'attachent à ladite bonne qu'on emmène même en vacances (c'est un peu une récompense, hein, pour elle, et cela permet aussi de ne pas trop avoir les gosses sur le dos, eheh, bien ouèj), des chérubins qui lui sont dévoués corps et âmes jusqu'à ce fameux jour tragique, c'est l'heure de la douche, sqwick, sqwick et les deux bambins innocents de perdre et leur corps et leur âme... Ce drame serait-il un des syndromes criants de notre temps où nous, pauvres adultes que nous sommes, en arrivons à négliger notre propre progéniture ? Syndrome ou pas, on s'en fout un peu, on ne voit que là un ouvrage bien sage et écrit d'une patte certes gentiment agile mais à cent lieues (tiens, je vais prendre un exemple, au hasard) d'un style nourri et profond d'un Del Amo. Un futur succès de librairie et un livre qu'on oubliera surement très vite.  Mais tant mieux pour elle, pour cette jeune écrivaine, c’est pas non plus tous les jours que l’Académie des Vieux ose…   (Shang - 03/11/16)


9782070196678_4_75Après le Nobel à Dylan, le Goncourt à Henri Salvador (copyright E.R.). C'est sûr que ça ne va rien révolutionner, et le Goncourt semble être un cadeau à Gallimard et Slimani pour les fêtes de Noël. Ca va renflouer les caisses des libraires, peut-être, quoi que je doute qu'un récit sur une nounou qui égorge des gosses convainquent les petites vieilles qui cherchent "un livre qui donne le moral, et bien écrit surtout". Cela étant, eh bien c'est un livre qui ne compte pas de fautes d'orthographe. Je vois que vous en voulez plus, alors ok. Slimani s'attaque gentiment à la lutte des classes, en montrant cette bonne côtoyer voire infiltrer le monde des bobos parisiens, et pratiquant une sorte d'inversion des rapports de domination. Le couple de bourgeois croit dominer la bonne, et effectivement intellectuellement et économiquement ils sont les dominants ; mais la bonne les attrape plus subtilement par sa gentillesse, sa discrétion, son dévouement, son savoir-faire, et par une sorte de force d'inertie (on pense à Bartleby parfois, dans ce caractère tout en passivité), puis bien sûr par son crime. Psychologie, oui et non, Slimani a au moins le talent de faire passer ses concepts politique et psys par le prisme de l'action. L'écriture, qu'on appelera sobre à défaut de dire qu'elle est transparente, est tout dans la description, plate et fonctionnelle en surface, mais les petits faits et gestes de cette femme opaque et mystérieuse en disent long sur le personnage. Et c'est presque "logiquement" qu'elle finit par se livrer à son acte. Le livre, finalement, est un constat amer sur les classes défavorisées, comme on dit : à défaut de se rebeller dans les grèves ou les face-à-face syndicaux, les masses laborieuses se mettent à tuer du riche, en quelque sorte. Bon. On voit bien que Slimani renvoie tout le monde dos à dos, se gardant de juger mais instillant l'impression que chacun, d'un côté de la barrière sociale, est reponsable de cet assassinat. Le livre se laisse lire jusqu'au bout, puisqu'il est court ; il est correctement écrit et son sujet est pas dénué d'intérêt, mais de quel livre on parle, là, déjà ?   (Gols - 08/11/16)

Commentaires
P
Bah. Soyez pas trop méchant. Arabe, jeune, et écrivain : ils lui tomberont dessus au 2ème.<br /> <br /> En outre, ce titre ira garnir (plus facilement qu'une histoire de porchers, convenez-en, l'Hexagonal n'aime pas tellement qu'on touche à ses plats traditionnels) l'écuelle du libraire indépendant qu'en a bien besoin.
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