Rosita, Chanteuse des Rues (Rosita) (1923) d'Ernst Lubitsch & Raoul Walsh (non crédité)

On est content de savoir que cette version à été rénovée en 1997 tant la copie garde encore des traces évidentes des années... On ne va pas se plaindre outre mesure, non, car avoir tout de même Lubitsch et Walsh au générique d'un film, c'est pas non plus tous les jours. Adaptée d'une pièce de théâtre intitulée Don Cesar de Bazan, l'histoire est censée se passer à Séville lors du fameux (?) carnaval. Alors que certains religieux voient d'un mauvais œil ces journées de débauche, le roi (Holbrook Blinn, très digne dans son imitation de Serge Lama), lubrique comme pas deux, décide de se rendre sur place pour se faire sa petite idée personnelle. C'est sur une Grand-Place qu'il fait la connaissance de Rosita (Mary Pickford, surexcitée), une chanteuse des rues dont les paroles de chanson égratignent le roi. Ce dernier l'arrête, non point parce qu'il est offusqué, pas son genre, mais uniquement dans l'idée de pouvoir fricoter avec cette gorette toute pimpante. Mary est emmenée au cachot ; surgit alors un fougueux capitaine (George Walsh) qui tente de prendre sa défense : il décime un garde avant d'être à son tour conduit en prison et condamné à mort... On ne peut pas dire que la rencontre entre ces deux-là parte sur des bases vraiment saines mais le destin réserve parfois quelques curieuses surprises...

On apprécie ces diverses relations triangulaires (le roi, coincé entre une reine aux aguets et cette petite poulette affriolante ; la Mary, objet des désirs du roi et de ce capitaine suicidaire) et les multiples retournements de situation du récit - avec deux femmes des plus raisonnables, la Reine comme la Mary cherchant à tempérer les ardeurs du roi pour sauver la vie d'un homme. Cet homme interprété par George Walsh se trouve d'ailleurs au centre des scènes les plus marquantes : un combat à l'épée dans les rues de Séville, un mariage à l'aveugle (bien belle séquence et bien belle idée que celle de bander les yeux du capitaine et de voiler Rosita qui se retrouvent, sur un caprice du roi, mariés malgré eux - pour le pire et bien sûr le meilleur...), une exécution sous tension (j'en dis pas plus...). On peut également souligner l'interprétation assez visqueuse du gars Blinn qui ne perd aucune occasion de se "frotter" à des midinettes. Mary Pickford, enfin, dont on apprécie la voix (les scènes de chanson, au temps du muet, ça manque affreusement de charme - surtout quand il n’y a comme ici aucune bande musicale d'accompagnement), ne cesse de rouler des yeux, de prendre de petits airs effarouchés ou de jouer la pamoison avec un certaine (débauche d') énergie. Une légende plus ou moins urticante.

Au niveau de la mise en scène, reconnaissons que les scènes "en extérieur" ne manquent pas de panache (la foule déguisée donne l'impression d'être un seul ruban humain qui envahit les rues), que les scènes d'intérieurs ne sont jamais trop statiques (Lubitsch aime indéniablement jouer avec les portes...) et que le montage donne une certaine dynamique à l'ensemble. Après on reste dans le divertissement un peu brut et reconnaissons que le jeu un peu outré et survitaminé de la Pickord n'ajoute ni d'érotisme ni d'émotion particulière (Oh ciel, est-il mort !!!) à la chose. La mutine Mary peut rester toutefois assez amusante notamment dans cette petite séquence drolatique comme on les aime : chez le roi, dont elle découvre le palace, elle ne cesse de tourner autour de victuailles posées sur une table, sortant parfois carrément du cadre, avant de rapidement revenir dans le champ et piquer un truc dans le plat. Il m'en faut peu, me direz-vous, pour trouver parfois mon compte - j'opine. Une petite chose légère et mignonne qui a indéniablement de l'allure dans notre odyssée walshienne.

Walsh et gros mythe, là