Sierra torride (Two Mules for Sister Sara) (1970) de Don Siegel
Sur une histoire de l'ami Budd Boetticher (décidément incontournable sur ce blog), l'excellent Don Siegel nous trousse un excellent western aux allures de buddy movie avec un cow-boy pur jus (Eastwood - la seconde mule du titre) et une nonne pas très catholique (MacLaine : elle fume, picole et jure comme un charretier). Nos deux compères se retrouvent associés pour traverser le Mexique et venir en aide à la rébellion mexicaine contre ces fourbes de Français - on ravale tout patriotisme au passage. Si l'issue de cette association finirait presque par nous sortir de la tête (le final, pétaradant vaut tout de même le voyage), le périple et les mésaventures de nos deux compagnons réservent quelques belles surprises. Le gros atout de Siegel est de donner du temps au temps sans jamais qu'on se lasse en route de ces divers "accidents de parcours" : nos deux amis sont tour à tour pourchassés par l'armée française, pris pour cible par des indiens Yaquis (après les Séminoles, on sent chez Boetticher une grosse connaissance des tribus locales), prêts à faire sauter un pont et un train avec tout son chargement d'armes, bref, toujours dans la tourmente. Eastwood est guidé par la thune, la soeur par son humanisme, ils n'ont en apparence rien en commun si ce n'est cet acharnement à aller jusqu'au bout de leur "mission"...
On vibre en particulier lors de deux séquences-clés : celle où la soeur se doit d'arracher une flèche plantée dans le buste du Clint - ça dure deux heures, on transpire avec eux - ou encore celle qui consiste à dégommer ce fichu pont : Eastwood, bourré de chez bourré (l'alcool a servi d'analgésique lors de la fameuse opération de la flèche), doit s'entraîner pour viser le bâton de dynamite planté tout en haut du pont par notre nonne aventurière et reine de l'escalade. La nonne, qui se met dans diverses positions devant notre homme pour qu'il puisse prendre appui, se saisit du gun pour éviter qu’il rate sa cible : si vous avez des idées mal placées quant au sens pervers de la scène, c'est le moment... On apprécie d'ailleurs tout du long cette petite pointe d'humour à l’œuvre dans le film : le rugueux et taiseux Clint est de plus en plus effaré devant les "réparties" et les décisions de cette nonne... Notre gars viril comme tout aimerait n'en faire (sexuellement) qu'une bouchée : il respecte toutefois trop ladite nonne pour passer à l’action… alors que celle-ci respecte de moins en moins les contingences religieuses... On aura bien sûr sur le fil, le fin mot de l'histoire. On passe en tout cas quasiment deux heures en leur douce compagnie et Siegel parvient sans avoir besoin de multiplier les aventures ou les rebondissements à outrance à nous tenir par le licol de bout en bout. La musique bourrine et efficace du gars Morricone donne un surplus de rythme aux mésaventures de cette association improbable et l'on ressort fort satisfait de ce western du début des seventies : de bien bonne facture, dans tous les compartiments. Don, Budd, Clint, Ennio, un vrai carré d'as.