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29 mars 2016

Saint Amour de Benoît Delépine & Gustave Kervern - 2016

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Le film le plus alcoolisé du duo infernal est aussi son film le plus empli de bons sentiments, je me demande si on y gagne au change. On est un peu emmerdé devant ce film, pour tout dire, conscient de ce que les gars cherchent, désireux qu'ils y parviennent, et en même temps dubitatif devant l'échec de l'entreprise. Ça tient à peu de choses : une louche en trop, une direction d'acteurs un peu fluctuante, une ou deux baisses d'inspiration par-ci par-là, et le cinéma impur et moche que j'affectionne particulièrement chez eux se transforme en une chose un peu pénible et gênante.

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Delépine et Kervern cherchent à retrouver une sorte d'état de grâce libertaire et tentent de réaliser leurs Valseuses à eux. Dans les meilleurs moments du film, il y arrivent. Dans le dernière demi-heure, notamment, qui sauve presque à elle seule les 90 minutes précédentes : on y découvre une sorte de couple reconstitué complètement barré, comme si Bertrand Blier avait filmé son chef-d'oeuvre après le mariage pour tous et l'invention de Meetic. La réputation de beaufs machistes et cons devrait quand même finir par tomber devant cette vision quasi-romantique d'un amour 2.0, où la Femme (magnifique et grande Céline Sallette), libérée et sexy, intelligente et sans complexe, choisit trois hommes pour être les pères de son enfant. Un alcoolo, un jeune puceau et un vieux : l'alchimie parfaite pour créer cette nouvelle génération d'amour, bâtie sur l'amertume, la crise financière, la misère sexuelle et le chômage. La très belle image de Sallette sur son cheval de labour traversant Paris est digne des grands Ferreri. Le cinéaste italien constitue d'ailleurs une autre des références de ce film, ne serait-ce que par la présence de Depardieu et d'Andréa Ferréol : un esprit "too much" qui ne se sépare jamais des sentiments, un goût pour le mauvais goût qui va de paire avec la fabrication d'images étonnantes, décalées, très belles. De temps en temps, Saint Amour atteint ça : nous faire aimer des personnages tordus, cons, sales, antipathiques. Comme ce chauffeur de taxi bougon (Vincent Lacoste) ou cette fille qui ne peut pas jouir tant que la crise financière n'est pas résolue (Solène Rigot) ; comme le corps de Depardieu, décidément très amoureusement filmé par les compères après Mammuth : sobre, effacé, il est touchant sans jamais jouer les sentiments directement, et sa présence physique est enregistrée avec un vrai sens de la beauté des corps "étrangers".

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Mais pour ces moments qui font retrouver ce qu'on aime chez Delépine-Kervern, on doit se taper pas mal de scèns inutiles, ratées, qui rappellent que les gars viennent de Groland et ont souvent du mal à se départir du gros gag pas fin. Le film est un défilé de guests qui n'ont rien à jouer (Houellebecq, Mastroianni, Izia Higelin, Ovidie) sauf des situations plus ou moins private joke pas terribles. Dans le premier tiers, on est proche de la bonne grosse vanne d'alcoolo qu'on croyait finie depuis quelques films, depuis que la dépression et les tourments avaient envahi leur cinéma. Pooelvorde et Kervern qui font "la route des vins" sans sortir du Salon de l'Agriculture, franchement c'est pas super drôle, surtout quand on se rend compte que notre gars Pooelvorde, jamais dirigé, est en train de nous faire là une de ses pires compositions, bourrine, facile, pas drôle du tout, ni émouvante. Il gâchera effectivement une bonne partie du film avec son jeu outré et sommaire. Pas faute pourtant d'essayer de mettre de l'émotion dans son personnage, et c'est là le pire : c'est la première fois que Delépine & Kervern tombent dans le bon sentiment et le consensuel. On est gêné pour eux dans ces plans trop longs, mal rythmés, peu sincères, qui nous montrent les rapports entre un père et son fils en cavale sur la route des vins, qui tentent de se retrouver après une vie d'incommunication. On est parfois à deux doigts du mièvre pur et simple. Trop de scènes inutiles, ratées, poussives, viennent compléter le triste tableau. Rendez-nous les gars de Mammuth, de Near Death Experience, et reprenez les deux midinettes qui ont réalisé Saint Amour.

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