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27 mars 2016

Saïpan (Hell to Eternity) (1960) de Phil Karlson

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Phil Karlson est peut-être un petit maître, mais un grand petit maître. Hell to Eternity (produit par Allied Artist, tourné en grande partie à Okinawa et bénéficiant d'une foultitude de figurants nippo-marines - plus en tout cas que dans l'ensemble des films de Karlson) est absolument époustouflant de bout en bout. Ne serait-ce le petit côté propaganda ricain (le Jap ne fait pas un pli lors des combats et l'Américain est vraiment trop bon - avec tout de même des nuances, lorsque le personnage principale pète littéralement les plombs, j'y reviens), tout ici est réussi. L'histoire, pour la faire courte, est celle d'un petit Ricain élevé dans une famille japonaise (il a perdu son père, sa mère est clouée à l'hôpital... puis meurt) qui va s'engager dans la seconde guerre mondiale en bénéficiant de sa connaissance de la langue japonaise. Il se retrouve sur l'île de Saïpan où les combats font rage. Entre empathie pour l'ennemi, prouesses linguistiques et folie douce, Jeffrey Hunter (notre héros au regard si doux) va s'embarquer sur de véritables montagnes russes.

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Il y a donc l'enfance de Jeffrey, passage somme toute très basique en petite banlieue ricaine, qui a pour avantage de nous montrer la complicité entre le petit Jeff et sa mama-san. On est dans l'échange interculturel avec apprentissage commun de langue et grosse dose de compréhension humaine au-delà des origines de chacun. Un modèle anti-Trump en soi. Puis vient Pearl Harbor, la difficulté pour Jeffrey à s'engager (d'une part parce qu'il ne veut combattre ses "frères", d'autre part parce qu'il a un problème au tympan : sa maniabilité du japonais finira tout de même par lui ouvrir des portes). L'anti-chambre pré-combat se déroule à Hawaï et là Karlson commence à sortir l'artillerie lourde : une double séquence de strip-tease nippo-ricaine qui étonne plus par sa longueur que par les parties dénudées (on sent qu'on restera toujours avec Phil dans le bon vieil esprit de la série B, quoiqu’il advienne, quel que soit ses moyens, qu'il prendra toujours le temps qu'il lui chante pour développer une séquence qui lui plaît). L'enchainement érotico-violent avec les scènes d’amour et celles de guerre est digne du train phallique s'enfonçant dans un tunnel chez Hitch : Jeffrey, à l'usure, finit par séduire une journaliste australienne surnommée "jupon d'acier". Après une séquence de drague tout en finesse, véritable combat psychologique, ils finissent dans les bras l’un de l’autre.  Ils s'embrassent alors goulument, cut sur l'intérieur d'un canon, cut sur la fumée blanche sortant desdits canons. C'est osé et ça marche diablement bien : une bonne vieille métaphore phallique pour passer des douceurs amoureuses à la folie meurtrière, il fallait quand même y penser.

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Nous voilà donc sur l'île de Saïpan, île sur laquelle Jeffrey va faire son dépucelage guerrier, preuve de sa bravoure, de sa malignité, de sa douleur, de son humaniste - rien que ça. Il est capable de parler japonais aussi bien pour rassurer l'ennemi (la séquence croquignolette avec une petite nippone blessée), que pour lui demander d’ouvrir la porte de son bunker et lui balancer une grenade (c'est plus sournois). Jeffrey va passer par tous les états : on pense au départ que l'on va devoir se taper le bon vieux héros ricain plein d'empathie pour son prochain, ben pas que. Lorsque l'un de ses potes est massacré à coups de sabre (ce côté samouraï un rien cruel chez nos amis nippons), Jeffrey sort de ses gonds et se ramboïse : il va dès lors n'avoir qu'un objectif, trucider du Jap - par tous les moyens, le plus souvent lâchement, gratuitement. C'est un super bon Marine, efficace, y'a pas à discuter, mais franchement son entourage commence par se demander s'il n'a pas un grain (de violence ou de riz) en trop. Jeffrey, heureusement, après cette période guère à son honneur, va trouver la voie de la rédemption. Au passage Karlson nous fait vivre des scènes de bataille et surtout des champs de bataille inouïs (ce long panoramique post combat où les morts des deux camps sont plantés dans la terre : terrible), sait toujours prendre le temps, à la Anthony Mann, pour montrer les affinités entre les différents personnages, leurs liens de sang en un sens, et nous livre un film de guerre tout à la gloire d'un homme (Jeffrey sera responsable d'un coup de maître - a true story en plus, pétard) après nous avoir fait traîner dans les égouts de son cerveau. Une mise en scène toujours parfaitement maîtrisée, des scènes de strip-tease et de combat d'anthologie (qui nous prennent, dans les deux cas, aux entrailles, si j'ose dire) et l'histoire d'un homme, pris dans une guerre qui n'était décidément pas la sienne, qui va retrouver la lumière avant d'avoir flirté avec le côté obscur de la force. Coup de maître du petit maître Karlson. 

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Commentaires
S
Schizo, c'est le mot, à l'image du personnage de Jeffrey, sans cesse partagé entre un côté nippon "bon enfant" et la violence guerrière dans laquelle il se fourre jusqu'à la glotte.
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B
Moui. Disons que le premier bout, jusqu'à la fin de la séquence d'effeuillage précisément (pas passke c'est anti-explicite que c'est forcément bien, hein), c'est aussi ianch qu'une rediff de Thalassa. Le second bout, par contre, du Karlson pur jus: c'est teigneux, c'est torrentueux, ça cut, ça zigouille et ça dessoude sans qu'on ait le temps de renifler. Complètement schizo, ce truc, quoi.
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