Un premier livre qui se retrouve dans les 5 meilleures ventes, qui rafle tous les prix, qui a l'admiration de François Bunel, ça fait peur non ? Vous inquiétez pas, j'y suis allé pour vous, et j'en reviens pour vous donner mon avis, bien entendu éclairé : En attendant Bojangles est nul, je le confirme, et à ce titre mérite d'être dans les 5 meilleures ventes, de rafler tous les prix et d'avoir l'admiration de François Bunel. Voyez-vous, il a tout ce qu'il faut pour ça : il est court, son écriture est enfantine, sa trame est douce-amère, ses personnages échappés d'Amélie Poulain, et son sujet grave-mais-quand-même-traité-avec-fantaisie (car un sujet grave traité avec sérieux, on le sait, c'est chiant). Voici donc une famille trop rigolote, pleine de fantaisie, qui traite l'argent par-dessus la jambe, change de prénom tous les jours, mange à n'importe quelle heure et boit du champagne en écoutant Nina Simone : trop du délire, quoi. Le narrateur (Bourdeaut lui-même, croit-on comprendre) raconte par le menu la joie d'avoir des parents iconoclastes et anti-conventionnels, on est content pour lui, et on lit avec un oeil morne les trouvailles (en général dignes d'un môme de 6 ans) que ses géniteurs inventent pour rendre leur vie trépidante. C'est farce et drôle comme un épisode de Maya l'Abeille. Comme c'est écrit à peu près comme un "Bibliothèque verte", on se dit qu'on a dû se gourer de rayon à la librairie et taper au rayon enfants.
Mais point du tout : peu à peu le vrai sujet apparaît : la mère est en fait bipolaire, dépressive, ou schizo, en tout cas elle sombre peu à peu dans la folie pure et simple. C'est la partie grave du livre, celle pour adultes. Enfin, ça pourrait l'être. Mais le style choisi par Bourdeaut pour raconter ça est si puéril, sa vision est si candide, qu'on retombe bien vite dans "la démence expliquée aux 8-10 ans". Le petit héros s'amuse comme un fou avec les fous de l'asile, puisque, n'est-ce pas, il n'est pas conventionnel ; il kidnappe sa maman pour l'emmener dans son château en Espagne (hihi un château en Espagne, c'est rigolo), puisque, n'est-ce pas, il est plein de fantaisie ; et il finit par écrire un livre, puisque, n'est-ce pas, il est artiste. On essaye de nous faire gober cette histoire comme s'il s'agissait d'un livre plein de pudeur sur la bipolarité, qui traite le sujet avec la politesse du rire blablabla ; mais c'est en fait un livre de collégien, écrit avec les pieds, destiné à un public considéré comme des crétins, supérieur par rapport à tout ce qui sort de son petit monde ringard à la Prévert. De la daube, quoi, et on se dit qu'il serait bien temps que ce genre de produit mercantile disparaisse des rayons des librairies un bon coup, histoire qu'on apprenne d'autres choses sur la vie que "c'est trop rigolo, hihihi". Chez moi, en tout cas, c'est fait.