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18 mars 2016

Le Sang séché (Chi wa kawaiteru) (1960) de Kijû Yoshida

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Pour son second film, Yoshida s'attaque au monde de la pub comme l'a fait notamment deux ans plus tôt Masumura avec le très bon Le Géant et les Jouets. Dès la première scène, on a une mise en abyme fabuleuse de ce que sera le film : on découvre un jeune gars (l'excellent Keiji Sada as Kiguchi) face à un miroir prêt à abattre sa propre image / lui-même (ce qu'il est prêt à faire en toute conscience (se supprimer) se fera finalement inconsciemment (il se laissera berner par sa propre image... jusqu'à la destruction de son "moi")). Il menace dans la foulée son boss de commettre un suicide si celui-ci licencie les employés de sa boîte : le coup part, il n'est que blessé, mais ce geste désespéré qui ne manque pas de panache sera illico récupéré par une certaine Nonaka (Mari Yoshimura et sa petite coupe au carré bien jolie) qui bosse dans le monde de la pub. Elle parvient à convaincre ses supérieurs puis Kiguchi de mettre en place une campagne de pub pour une compagnie d'assurance vie (!) qui reprendrait cette image forte d'un gars le gun sur la tempe. Kiguchi traîne un peu des pieds devant la récupération ignoble de sa détresse mais pense, finalement, par ce biais, utiliser son "image" et sa notoriété pour parler au nom du peuple spolié. Le créateur échappe ainsi progressivement à ses créateurs (qui se sont quand même bien faits du blé sur ce symbole), le Kiguchi ne tardant pas d'avoir un melon aussi gros que son visage "immortalisé" sur des affiches géantes. On ajoute à cette ambiance un brin malsaine un paparazzi sans foi ni loi prêt à tout pour vendre de la photo ou faire du chantage, la femme de Kiguchi qui perd un peu pied devant la success story de son mari de moins en moins présent pour elle (comme si on ne lui avait volé pas seulement son image mais aussi ses sentiments) et on obtient un petit film ultra dynamique qui dénonce à merveille l'empire impitoyable des médias et les dérives de cette société un peu creuse, capable de déifier le premier venu.

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Yoshida trouve un rythme particulier avec ce second film où il n'hésite pas ici ou là à légèrement accélérer les "scènes de transition" (quand les individus se rendent d'un endroit à un autre) et à speeder les scènes de dialogue (les réparties fusent et les scènes sont généralement coupées dès le dernier mot achevé). D'où une impression de monde tourbillonnant dans lequel le pauvre Kiguchi, animé au départ par les meilleures intentions, se trouve entraîné malgré lui. Des pubards opportunistes à souhait, du quidam qui se prend un peu trop rapidement au sérieux (et à son propre jeu : il voulait agir "au nom des sans voix", il ne sera qu'une image que ceux-ci glorifieront en surface) et une histoire joliment emballée. Kiguchi est tout juste connu, reconnu, que la descente s'annonce irrémédiablement. Sa femme le trompe, il trahit son agent en voulant voler de ses propres ailes (un Icare moderne sous les sunlights de la pub), se fait salement mener en bateau par le paparazzi et en deux temps trois-mouvement, le voilà revenu au point de départ... Le moment de "re-tenter" son geste désespéré pour retrouver du crédit ? Vous avez tout compris : l'ombre du drame plane sur son destin. Une scène résume à elle seule parfaitement cette œuvre "imagée" : celle où une pin-up s'allonge au milieu d'une décharge pour que le paparazzi la prenne en la photo alors que la fumée noire des usines s'envole en arrière fond. Après le monde cruel de l'après-guerre, bienvenue dans le monde moderne des sixties : un monde superficiel bâti sur un monde en ruines tout aussi cruel et où seules comptent les apparences. Un monde désespérément creux et glacé (comme le papier) évoqué dans un film plein de hardiesse et de vivacité. Toutes les fondations de notre époque.

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Nippon ni mauvais, ici

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