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6 mars 2016

LIVRE : Un beau Début d'Eric Laurrent - 2016

9782707329523,0-3114783Belle génération que celle de ces individus qui rêvent d'être célèbres et de poser dénudés dans les magazines (ou à la téloche). Laurrent avec deux r s'intéresse donc au parcours de Nicole Sauxilange (future Nicky Soxy), de sa plus tendre enfance - en remontant même jusqu'à la petite histoire de ses géniteurs et de ses grands-parents (toute l'histoire d'une tare en quelque sorte) -  à son entrée dans une agence parisienne spécialisée dans les photos dites légères. Le moins que l'on puisse dire c'est que c'est ample au niveau du style (Laurrent n'est point réticent aux phrases de trois pages et aime à user d'un vocabulaire qui restera toute sa vie obscur à Morandini) et assez basique au niveau du fond : une famille paysanne provinciale (Clermont-ferrand, vous connaissez ? La Rue des Gras, le quartier des Minimes, ça vous parle ?), une fille-mère un brin putasse, une enfant écervelée nourrie à la variétoche et aimant à jouer précocément les petites roulures. L'alcoolisme, l'enfance difficile non exempte de violence, la délinquance, l'irresponsabilité voire le je-m'en-foutisme absolu des parents, on a droit à un bien beau tableau de ce petit monde provincial qui accouche d'une future souris. Laurrent, avec un certain sens de l'humour, tente de démonter tout le mécanisme de cette ascension vers le vide. Encore une fois, le contraste de ces phrases à rallonge (parfois grammaticalement drôles mais aussi grammaticalement lourdes : on n'a rien, en ces colonnes, contre les phrases à tiroir qu'il faut relire trois fois et les parenthèses dans les parenthèse ; non, on n'a rien - le fait est que chez Laurrent cela tourne à l'exercice de style, à l'exercice même tout court : quand on arrive, comme le fait par exemple un Mauvignier à garder le sens du rythme tout du long, pourquoi pas ? Quand on doit s'y reprendre à trois fois, à la lecture, pour retrouver l'origine de la phrase, ça coupe une jambe au récit), de ce vocabulaire très soigné (des mots de plus de quatre syllabes, dis donc) avec des expressions plus familières, voire avec le côté un brin lobotomisé de son héroïne et de ses géniteurs, ce contraste, disais-je et comme le dirait Laurrent pour reprendre le fil d'une idée amorcée deux pages plus tôt, fait quand même son petit effet. On atteint parfois les summums de la syntaxe (je ferais bien l'analyse syntaxique de certaines phrases avec mes élèves, dommage qu'ils ne sachent pas lire) avant d'enchaîner avec une bonne vieille réflexion vulgaire de derrière les fagots qui remet tout à plat. Cette opposition totale entre la forme et le fond permet d'approcher un certain degré d'ironie, ce qui est relativement louable. Dommage que Laurrent se fasse parfois un peu trop plaisir à nous montrer sa virtuosité ès grammairien : ça flingue un peu le rythme, l'accumulation de "que" et de "qui" n'étant pas forcément la chose la plus appréciable de la langue française - c'est un peu bêta d'autant que, sur la fin, ces phrases un brin plus allégées sont beaucoup plus agréables à la lecture. Bel et louable exercice grammatical et lexical (cela dit avec un certain respect, attention) pour un "sujet" - de société - (Nicky Soxy) certes un peu creux en soi mais viral.

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