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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
23 décembre 2018

Hitchcock / Truffaut (2015) de Kent Jones

hitchcock-truffaut

Toujours un plaisir de se repencher sur cet entretien unique entre les deux hommes. Le seul gros problème de Jones est d'avoir voulu faire un portrait "à l'américaine" avec l'intervention de grands "spécialistes" mondiaux (Assayas et Desplechin pour la France (nos deux cinéastes, quoi), Peter Bogdanovitch, Kiyoshi Kurosawa, James Gray, Richard Linklater, David Fincher, Wes Anderson (aïe) et l'incontournable Scorsese qui est de tous les documentaires (à tel point qu'il ne doit plus avoir assez de temps pour ses propres films... malheureusement, ça se voit...)) qui vont discuter le bout de gras sur Hitch. C'est loin d'être forcément inintéressant, mais l'on oublie parfois totalement la teneur de ces entretiens qui étaient quand même un peu le sujet au départ (Exit Truffaut, du coup, pour une bonne partie et son travail d'interrogation sur la filmo de Hitch). C'est bien dommage de faire un documentaire qui soit en partie "hors-sujet" - d'autant que, pour le coup, il y avait matière. Heureusement Jones se rattrape en revenant précisément sur certains points de l'œuvre hitchcockienne : le sentiment de culpabilité qui pèse sur "l'ensemble" des personnages (et ses diverses taches de sang qui ponctuent ses films, plus liées, à bien y réfléchir à une "perte de virginité", à la manifestation d'une "faute" qu'à des crimes), la dilatation ou la concentration du temps, l'architecture de ses films, l'enchaînement diabolique de ses plans (7 jours de tournage et 70 plans tournés pour la fameuse scène de la douche dans Psycho – un must, une référence, une séquence « iconique »), la primauté absolue de la mise en scène sur l'affect des acteurs (Montgomery Clift s'en prend une petite couche pour la route) ou encore la part de rêve, de fantasme dans ses œuvres-clés - Vertigo est une fois de plus au centre des discussions (encore un film à voir en boucle, en faisant une petite référence au fameux chignon à la structure... vertigineuse...). Comme il y a moult extraits des films de Bouddha qui reviennent sur des points jouissifs de son cinéma (la lumière dans le verre de lait, les inserts sur les objets...), on n’a pas non plus l'impression de perdre totalement son temps.

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On aurait voulu sans aucun doute que Jones pousse un peu plus loin l'analyse de la relation entre les deux hommes et sa réflexion sur le petit scarabée Truffaut face au grand maître Hitchcock : on sent souvent à quel point la Truffe est fasciné par la maîtrise absolue de Hitch sur la construction de ses films alors même que le cinéma de Truffaut (qui n'avait à l'époque des premiers entretiens réalisé qu'une poignée de films) est beaucoup plus basé sur l'émotion des personnages, sur les dialogues, voire parfois sur une certaine improvisation : quand Truffaut parle à Hitch de sa fameuse séquence dans Les 400 Coups où Antoine voit sa mère embrasser un autre homme, le Bouddha le tance un brin (« ouais, dommage que les personnages parlent ») - toute l'école du muet surgit (petite réflexion personnelle au passage : les films muets d'Hitchcock était diaboliquement parlants et ses films parlants laissent le spectateur bouche bée - une petite formule un peu cucul, certes, mais quand on revoit toutes les trouvailles hitchcockiennes au bon vieux temps du muet, on sent que le cinéaste lui-même a forcément la nostalgie de cette période ou le cinéma sans le son était un art total, fermons la parenthèse). Certes, comme le dit à un moment, il me semble, Kiyoshi Kurosawa : vénérer le maître ne veut pas dire ensuite vouloir absolument l’imiter, au contraire (Ça doit être pour De Palma, ça…). Truffaut, visuellement, a tout de même réussi à choper quelques trucs ou tricks du maître, un aspect que l’on aurait pu un peu plus creuser pour l’occasion.

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Bref, cela donne malgré tout envie de se retaper tout Hitchcock et de relire le livre d'entretien (la bible comme diraient certains réalisateurs) entre Truffaut et Hitchcock (disponible dans toutes les bonnes librairies de Pezenas à un prix ridiculement petit), ce qui n'est pas un mal en soi. Un doc, au final, parfois un brin brouillon qui en oublie même parfois son propre sujet mais qui revient aussi avec une certaine subtilité sur diverses thématiques incontournables de Bouddha. A good appetizer as we say.   (Shang - 28/02/16)


Complètement en accord avec Shang, qui a parfaitement résumé l'entreprise un peu brouillonne de Jones. Plutôt que d'assumer complètement le fait de faire un film sur Hitch, le gars choisit l'angle du bouquin de Truffaut, mais s'en éloigne beaucoup trop souvent pour que ce fil rouge tienne la route. Cette réserve n'empêche absolument pas, cela dit, l'intérêt du film, qui parvient encore, pour le compulsif, à être encore surprenant et instructif. Si certains témoins n'apportent rien au schmilblick, comme Gray ou Anderson qui se contentent de dire "ah ouais, c'est super, Hitchcock"", ou Scorsese qui paraphrase sans vergogne le cinéma du maître, d'autres apportent un éclairage brillant sur certains aspects des films de Bouddha : la palme à Arnaud Desplechin, décidément brillantissime analyste (je me souviens de sa magnifique vision des comédies musicales dans je ne sais quel docu), qui s'attarde sur le sentiment de culpabilité du maître. Si la thématique n'est pas nouvelle, il arrive à placer des mots très sensibles sur elle, et les extraits soigneusement choisis par Jones pour les illustrer ajoutent à l'intelligence du propos. Kurosawa aussi, dans sa posture d'admirateur distant, est impeccable de clarté ; et Assayas ajoute encore une couche d'érudition en parlant concrètement du travail de Truffaut et des liens pas évidents avec celui d'Hitch. Le film est de toute façon toujours illustré avec une grande intelligence : Jones sait toujours trouver le plan mirifique qui va étayer telle thèse, ou coller telle scène pour mettre en valeur telle impression. Et puis, ce qui est tout à sa gloire, le gars ne s'arrête pas à la poignée de chefs-d'oeuvre des années 50 : on voit aussi de nombreux extraits de films muets (et pas forcément les plus connus, Easy Virtue ou The Manxman sont cités) ou de la période anglaise, toujours choisis avec soin pour montrer la science de la lumière ou le goût des visages chez Hitch, et son génie dès ses premiers films. Ce docu est donc une traversée certes rapide mais très pertinente de l'oeuvre, qui ne se contente pas des quelques anecdotes hyper-connues mais sait faire voir autrement certains plans (celui de la pendaison dans Jamaica Inn ou celui de la déambulation dans le cimetière de Family Plot, notamment).

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Même s'il s'en éloigne trop souvent, le film revient à intervalles réguliers sur la rencontre entre les deux cinéastes, le Français un peu sacrifié, l'Anglais magnifié. On écoute de longs passages de l'interview traduite par Helen Scott, on redécouvre avec plaisir quelques passages fondamentaux (l'expérience furtive de la prison du jeune Hitch, la différence entre suspense et surprise, la terreur qui s'empara des spectateurs à la découverte de Psycho), on découvre la vitalité de ces entretiens, la tonicité des voix, des passages non-édités qui mettent en valeur la complicité des deux bougres. Et on termine ce film délicieux avec un enregistrement de la séance photo pour la promotion du livre, qui met en valeur la fierté de Hitch à être admiré par un petit jeune brillant, et celle de Truffaut de rentrer dans les petits papiers de son idole. Un film passionnant, même si bordélique.   (Gols - 23/12/18)

Tout Bouddha, ici

Toute la Truffe,

Commentaires
H
Par ailleurs, ils commencent à fatiguer, avec leur énième visuel « à la façon de Saul Bass »... Quel manque d'imagination, au sens le plus littéral du terme ! Manque d'imagination qu'on retrouve dans le film de Kent Jones : ces retours continuels aux cinéastes invités à parler de Hitchcock, filmés en plan rapproché devant un arrière-plan plus ou moins déterminé, on dirait un pauvre bonus de dvd tourné à la chaîne par Laurent Bouzereau. Je ne pense évidemment pas qu'il fallait filmer ces entretiens, pour le coup, « à la façon d'Alfred Hitchcock », mais tout de même, tomber à ce point dans cette « photographie de gens qui parlent » que Hitchcock détestait tant...
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H
Assez déçu par le film moi aussi, pour les raisons que vous donnez. Mais sans doute ce « film cinéphile revenant sur un livre cinéphile » était-il, au fond, une fausse bonne idée... Un passage amusant (si ma mémoire ne me trompe pas) : quand Olivier Assayas dit que le cinéma de Truffaut, au contraire de celui de Hitchcock, n'a jamais été une question de stylisation visuelle, un extrait de 'Jules et Jim' en administre une preuve contraire — même si cela ne suffit pas à invalider l'assertion d'Assayas.
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M
Helen SCOTT. <br /> <br /> Edith Scob, c'est l'autre.<br /> <br /> <br /> <br /> "Written by Serge Toubiana" ? Mais encore...?
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