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14 février 2016

Le Noeud coulant (Petla) (1958) de Wojciech Has

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Ah qu'y a-t'il de mieux le dimanche matin qu'un bon vieux film sur l'alcoolisme ? Surtout quand il s'agit d'une oeuvre d'un maître du genre : un Polonais. Pardon, surtout quand il s'agit d'une oeuvre d'un grand cinéaste en herbe (de bison) : Wojciech Has. Un téléphone en plan, un homme inquiet au regard globuleux, une femme soucieuse… S'agit-il d'un film noir ? Oui, en quelque sorte, puisque notre homme en connaît un rayon sur le fait d'être noir ou comme on dit plus communément saoul comme un dindon. On met en effet du temps à vraiment capter ce qui mine autant notre homme : des problèmes d'argent, des problèmes de mafieux ? Une chose en tout cas est claire, il semble obsédé par l'heure, demeurant tétanisé chaque fois qu’il jette un coup d’œil sur une pendule : la raison ne tarde pas à se dessiner - il doit en fait passer toute la journée dans son réduit, cerné par les miroirs, sans toucher à une goutte : le soir venu, il aura alors enfin accès à des médocs pour tenter le sevrage - mais l'attente est longue et l'envie est forte... S'il reste entre ces quatre murs, avec ce téléphone qui n'a de cesse de le harceler, il va devenir dingue... Il décide alors de sortir, là, sous la pluie, et d'affronter tout ce(ux) qui semble(nt) vouloir s'acharner à lui rappeler qu'un ptit verre de vodka ne peut pas faire de mal... Mais comme tout bon alcoolique qui se respecte, il sait qu'après le premier il y en aura au moins douze... Et que tout cette résistance avant le premier verre est vaine, que l'alcool est voué à couler dans ses veines.

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Il y a une véritable école polonaise de l'alcoolisme (on sent que chaque acteur est comme un poisson dans l'eau pour jouer l'ébriété : quelque chose d'inné, indéniablement) mais également de la mise en image : difficile de ne pas penser à une oeuvre polanskienne dans cette façon de filmer les acteurs en gros plan, dans la façon de les inscrire dans le cadre (superbes plans que ceux incorporant ces sculptures "torturées" ou cet oiseau empaillé dans le champ), dans cette manière de chiader des plans-séquences (cette caméra qui s'élève pour filmer notre âme en peine battant le pavé et croisant une ambulance : comme un signe précurseur de sa chute, de son éternelle rechute). Les gens qui l'abordent, les dialogues qu'il capte, les événements qui se passent alentour, tout le ramène fatalement à cette obsession : la tentation de boire ; l'heure qui tourne devrait lui donner l'impression de le rapprocher toujours un peu plus du moment où il aura accès à ses médicaments : il semblerait malheureusement pour lui que, plus l'heure tourne, plus la fin de journée approche, plus le moment de se trouver derrière un comptoir se profile. Il croise un bar, il y rentre, demande juste un verre, voire deux, croise un a(l)colytes de beuverie et c'est parti mon kiki, en route pour la joie... Le problème c'est qu'au lieu de ressentir une certaine libération dans cet acte qui consiste à enchaîner les canons, notre homme (une curieuse ressemblance avec Gad Elmaleh en non comique, c'est à dire précisément avec Gad Elmaleh) va se sentir de plus en plus laminé par le discours guère optimiste de son compagnon de route : on ne peut jamais vraiment sortir de la picole, martèle ce dernier, ceci est quelque chose d'absolument illusoire. De quoi assommer un peu plus notre ami qui ne va pas tarder, comme chaque soir, à se retrouver lamentablement le nez dans le caniveau : le cercle infernal, quoi. Quelle serait sans doute la meilleure façon de ne pas se remettre à boire ? En ne s'arrêtant jamais (je vous donne des trucs, maintenant, vous en faites ce que vous voulez). Il y aurait aussi éventuellement la pendaison pour se serrer définitivement le kiki. Ce serait une subtile façon de boucler définitivement la boucle : avouons que le titre-même de cette oeuvre (le titre français, tout du moins) ne prête pas vraiment à l'optimisme.

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Dans la première partie du film, on sent cet effort de titan, chez notre homme, pour focaliser sa pensée sur autre chose que la boisson. Dans un second temps, lorsque la vodka fait enfin son apparition, la satisfaction du buveur ne tarde pas à laisser la place à l'effroi de ne jamais sortir de son emprise : quand la consommation devient encore plus stressante que l'abstention, il est grand temps de faire le point - ou pas. Has traduit à la perfection (les magnifiques séquences des monologues des acteurs quasiment face caméra alors même que l'alcool suinte par leurs pores, le soin apporté aux cadres, à la composition du plan, à la profondeur de champ : toute l'école polonaise dans une bouteille) ce sentiment de déchéance vodkaïsé qui bouffe notre homme de l'intérieur : sa lutte contre la dive bouteille est digne d'un film noir, celle-ci endossant à la perfection le rôle de la femme fatale... Elle ne peut inévitablement que conduire au meurtre. Premier véritable long-métrage de fiction de Has et premier grand cru.

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Commentaires
B
C'est vrai que le moment était bien choisi pour s'enfiler cet épisode des Razmoket , hé hé . C'est surtout vrai qu'un polonais n'a pas à rougir de sa prestation pour jouer les imbibés à côté d'un russe , autre grande école et ptêt la meilleure ( Vodka power ) . J'ai pas souvenir d'un film aussi dark et radical sur le sujet , pas même le Wilder . Après , j'ai pas fait le tour non plus . Un thème à visiter avec modération .
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