Le Château de Verre (1950) de René Clément
"-A quoi ça sert que vous soyez venue ?...
- Rémy !
- A quoi ça sert que je m'appelle Rémy..."
J'aime beaucoup René Clément. Mais il ne faut tout de même pas pousser. Cette histoire d'amour impossible mais tout de même un peu possible entre Michèle t'as de beaux yeux tu sais Morgan et Jean le roi du Marais est aussi fadasse et cucul que les pires Marcel Carné (Bon, ça c'est fait). Elle est mariée à Jean Servais (un type plus hiératique qu'un menhir, enjoy), il vivote de femme en femme en revenant toujours dans les bras de sa grande amie parisienne Elina Labourdette (j'en dis pas plus) : ils se rencontrent dans un hôtel italien dantesque, c'est le great love. Et puis la séparation terrible sur le quai de la gare... Vont-ils se revoir un jour? Forcément. Où ? Ben, à Paris. Est-ce bien raisonnable ? Non, mais bon après tout on a qu'une life.
Tout sonne aussi faux que la montre fluorescente de Jean Marais dans les "catacombes" de l'hôtel en ouverture (il sera beaucoup question de montre et d'horaires de train dans cette histoire : des trains qu'on attrape, qu'on rate, qu'on espère, qu'on n’espère plus). C'est un peu malheureux à dire mais les plans sur les yeux translucides de la Morgan dont le visage luminescent semble sculpté dans la nuit font marrer, Jean Marais en Dom Juan subitement amoureux transi fait marrer (même lui passe son temps à se marrer d’ailleurs ou à regarder le vide intersidéral de l'avenir jusqu'à en loucher), les baisers tristes échangés entre les deux amants dépités font marrer. On aimerait y croire deux secondes mais tout est tellement affecté, désespéré, faussement léger qu'on grimace devant cet effort cinématographique d'amour exacerbé. Marais, Morgan, Clément, c'est beau sur le papier mais tout semble filmer sous une cloche de verre...
Que pourrait-on tout de même sauver de ce naufrage ? Ah ben Paris, dans les fifties, c'est tout de même bien joli et Jean Marais concocte pour sa belle un petit tour de la capitale (elle vient de Berne, elle connaît pas Paris, la Michèle) du Panthéon jusqu'à Montmartre pas piqué des hannetons : c'est la partie image doisnellienne de la chose relativement sympathique quoiqu'un peu courte (on ne peut malgré tout s'empêcher de remarquer des types au balcon se fendant d'un sourire en voyant passer bras dessus-bras dessous le Marais et la Morgan "juste là en bas dans ma rue, je te jure"). Les actrices italiennes (il existe apparemment deux versions de la chose, une française, une italienne) de la version française (Elisa Cegani, Giovanna Galletti) semblent aussi à l'aise que dans un film porno burkinabé, le procès en filigrane (une jeune femme accusée d'avoir tué sa belle-mère pour amour pour son mari... sous les yeux du Juge Servais et de l'amoureuse Morgan) a des ficelles grosses comme moins poing (on peut mourir ou tuer par amour, elle le sait, la Morgan, son mari, lui, est aveugle, il peut pas comprendre le truc), les dialogues enamourés sont souvent à la limite du grotesque (j'adore la petite citation que j'ai mise en préambule - comment ne pas s'esclaffer en pleine déclaration "d'amour-oui-mais-tout-ça-pour-quoi") et même la fin se termine honteusement en queue de chaussette (l'annonce faite au micro est un must "la jeune femme qui voulait partir rapidement pour la suisse est priée de se présenter..." Eheheh. On a perdu le service client). De bien belles images parisiennes une bien belle Michèle filmée entre l'ombre et la lumière... mais sinon autant revoir Les Félins ou Plein Soleil...