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REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 janvier 2016

Pasolini d'Abel Ferrara - 2014

pasolini

On ne pouvait rêver mieux qu'Abel Ferrara pour réaliser un film sur PPP : les deux cinéastes semblent se répondre par-delà les époques et les frontières, pour ce qui est de l'intransigence, de la rebellion, du filmage des corps, de la déche et des bas-fonds. Une évidente filiation qui confère à Pasolini une totale sincérité : Ferrara y est comme un enfant s'inclinant devant son aîné. Son film est une vraie déclaration d'amour au maître, et à ce titre, elle est parfois un peu naïve, bancale, excessive. En tout cas, elle est fiévreuse et passionnante.

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On suit Pasolini sur les dernières heures de sa vie. En plein montage de Salo, retiré avec sa famille dans un appartement, il met au point un tout nouveau scénario, répond à un journaliste, rêve à ce film à venir, et erre bien sûr dans les bas-quartiers de Rome pour y dénicher de très jeunes hommes qui lui confèreront la pipe recherchée. Cette quête lui vaudra sa perte, comme on sait : le lendemain, son corps explosé sera retrouvé sur une plage. En attendant, Ferrara tresse un habile scénario qui lui permet de parler aussi bien du PPP des derniers jours que de l'icône éternelle. Les plus beaux passages sont ceux, tout simples, où le gars répond au journaliste, exemple d'intelligence politique et de courage : Willem Dafoe y interprète un Pasolini concentré, sérieux, mais assez taquin également, conférant à son personnage une belle humanité loin de la vedette mystérieuse et retirée qu'il était devenu. En le montrant avec sa mère, par exemple, comme un enfant, Ferrara trouve quelque chose de très simple dans la façon d'aborder ce personnage complexe, torturé, sur-intellectuel ; et Dafoe lui trouve un corps: le film est, comme tous les Ferrara, charnel, incarné, tourné en grande partie vers les corps. Les rencontres homo dans les banlieues romaines y sont filmées comme des moments troubles, dangereux, mais aussi excitants et fascinants, dans une attraction/répulsion qui rappelle les grands moments de Welcome to New-York. La scène de meurtre, là aussi simple et glaciale, est un bel exemple de ça : il y est question de corps, qui baisent d'abord, puis qui se disloquent. Pas de théorie complotiste fumeuse, pas d'intellectualisme inutile dans cette séquence : Pasolini se fait éclater, point.

Pasolini3-passseur-critique

Mais Ferrara est plus ambitieux que ça. Il dépasse le simple biopic, en tentant de réaliser en partie le scénario inachevé de Pasolini. Pour ce faire, il convoque le vrai Ninetto Davoli (choc très agréable de retrouver la face angélique de l'acteur, avec les ans et les kilos en plus) et part sur une trame onirique, absurde, lunaire, dont le cinéma italien avait le secret dans ces années-là. Un père et son fils suivent une étoile du Berger biblique à travers l'Italie des années 60, étoile qui les amènera dans une sorte de Sodome moderne où ça baise dans tous les coins, avant de les faire échouer au bord du monde pour constater l'inanité de toute chose. Très sincères séquences où Ferrara tente de se hisser à la hauteur du maître ; bon, il n'y arrive pas tout à fait, le scénario a vieilli et n'est pas PPP qui veut. Mais il y a suffisamment de clins d'oeil énamourés à l'idole (la musique de Bach, la présence d'Adriana Asti) pour qu'on laisse passer les maladresses. Le principal est que le film laisse entendre une parole précieuse et nécessaire aujourd'hui, quelques bribes de poèmes et quelques images fascinantes, rappelant qui fut Pasolini et la force de sa pensée. Touchant hommage.

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Commentaires
M
Très bel hommage et très belle réalisation. Réussir à évoquer autant d'éléments de la personnalité d'un artiste en réduisant la narration aux 2/3 derniers jours de sa vie, est un véritable exploit. Certainement que tout n'est pas parfait mais j'ai eu l'impression de côtoyer durant cette projection, cet artiste cinéaste engagé politiquement.<br /> <br /> Abel Ferrara, cinéaste américain, se place en élève de Pasolini, fait belle preuve d'humilité et essaye avec audace de le représenter. Willem Dafoe lui prête magnifiquement corps. Seule reproche : l'alternance des langues (anglais/italien) a tendance à rompre cette immersion dans cet univers romain des années 70. Beau film avec des décors aux images colorées et chaleureuses, où la recherche du plaisir se montre sans fard.
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