Annonces matrimoniales (La Visita) (1965) d'Antonio Pietrangeli
On a tous besoin d'humour en ce moment, me disais-je, en me tournant une nouvelle fois vers un film italien des sixties. Et je fus bien avisé. François Périer (un peu comme Christian Clavier mais en drôle) m'a fait marrer de bout en bout. Associé à la douce Sandra Milo (dont le pétard ferait automatiquement tomber les deux bras - il déminaj comme disent les jeunes d'aujourd'hui), notre François fait des merveilles. Nos deux célibataires pensent tenir l'occasion de leur vie. Lui, romain, bouquiniste, commence à sentir la poussière. Elle, plus proche des 40 que des 30, sent venir la pente douce. Seulement attention, ils ne sont pas si coincés ou si frustrés qu'ils en ont l'air. Dans des flash-back joliment floutés, lui, on le voit fricoter avec une donzelle (la séquence où il mate ses jambes sur un escabeau est-elle celle que j'avais gardé en mémoire à l'âge de 12 ans ? Il s’agissait sauf erreur d’un film italien qui passa au cinéma de minuit et dont je ne pus voir la suite, obligé d'aller pensivement au lit sur ordre parental après la dite scène... Il me semblait que c'était dans une vaste bibliothèque... Je laisse ici un avis de recherche à tout cinéphile obsédé par les jambes gainées de soie...), elle, on la découvre fricotant avec un routier. Oui, ils ont déjà un peu roulé leur bosse mais voudraient bien maintenant se poser. Y'aurait-il un blème ? En dehors du fait que Périer soit un mâle infecté des pires défauts propres au genre (arrogant, vulgaire, raciste, picoleur, dragueur, lourdaud...), il n'y a pas vraiment de blème à l'horizon.
Je me marre, oui je me marre. La tronche de Périer dansant en étant avachi sur la pauvre Milo et zyeutant une jeune donzelle affriolante et allumeuse suffirait à mériter la vision du bazar. Comme les dialogues sont au taquet, que le timing des gags est impérial, que les boulettes du Périer sont de plus en plus honteuses (c'est beau un homme qui boit... toute la bêtise affleure... Si le ridicule tuait, il serait criblé de balles), on se banane devant ce piteux représentant de la race humaine. Milo est-elle franchement bébête (la photo de la Tour de Pise qu'elle remet droite dans son cadre, j'en ris encore), fait-elle tout pour se voiler la face et ne pas gâcher cette ultime opportunité ou attend-elle de boire la coupe jusqu'à la lie pour dire au bonhomme ses quatre vérités ? En attendant, on se gausse devant ce pathétique Périer qui va de Charybde en Scylla dans la bourde et la grossièreté. Quand il se retrouve saoul comme un cochon à côté de l'amant de Milo et fait le fier parce que le pull qu'elle lui a offert à une bande de plus que celle qu'elle a donné, devine-t-on, à son amant, on pouffe de plaisir : mais qu'il est couillon celui-là, on se sent comme battu sur son propre terrain... On se marre donc, souvent, mais Pietrangeli sait également distiller dans la dernière ligne droite quelques petits moments touchant sur la plaie de la solitude, la tourmente de vivre en solitaire. Avec le temps, Périer a perdu des bulles, Milo a gagné des rides mais nos deux petits tourtereaux pourraient se révéler plus émouvants qu'ils en avaient l'air. De la pure comédie italienne vintage avec un soupçon de romance, une pincée d'érotisme, une pointe de sadness et des acteurs au sommet de leur art. Pietrangeli, je reviendrai rapidement sur tes terres cinématographiques.