Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
24 octobre 2015

Un Français de Diastème - 2015

1280x720-AlQ

Diastème rate son film, mais on ne lui en veut presque pas parce que les intentions sont tellement louables, l'écriture tellement sincère qu'on ne peut que se désoler avec lui du piètre résultat. Le film est indigné mais refuse d'être du côté du manche, et décide de raconter les choses par le bout le plus audacieux qui soit. Il s'agit en l'occurrence de raconter le quotidien d'un skin-head des années 80, les ratonnades, les copains nazis, puis sa lente métamorphose en citoyen ordinaire et responsable. Mais au-delà de ça, il s'agit de raconter en parallèle l'histoire de l'évènement de l'extrême-droite en France à travers deux destins : ceui du parti lui-même, depuis les exactions clandestines néo-nazies jusqu'à la légitimation politique d'aujourd'hui, en passant par l'avènement de Le Pen et la complaisance de la gauche mitterrandienne à son égard ; et celui de Marco, donc, petit mec qui démarre du même endroit (le facho dangereux) pour terminer à l'opposé, en mec assagi qui peut voir sans presque frémir ses anciens potes manifester lors des rassemblements anti-mariage pour tous. Mais, beaucoup plus audacieux, il s'agit aussi d'une troisième histoire : celle d'un engagement politique qui s'effondre, d'une amitié qui meurt et de convictions qui tombent sous le poids des responsabilités quotidiennes ; qu'il s'agisse d'un engagement politique immonde (le FN), d'une amitié affreuse (celle pour un nazi pur et dur) et de convictions crapoteuses (la France aux Français) n'y change rien : Diastème filme un renoncement. Dès lors, on ne sait plus très bien comment voir Marco : comme un mec concon aux idées odieuses et au comportement de gosse ; ou comme un gars droit dans ses bottes, fidèle en amitié, et qui va devoir renoncer à ses croyances.

7778506462_alban-lenoir-dans-le-role-de-marco

On comprend pourquoi Un Français a fait grincer quelques dents à sa sortie. Son auteur refuse de stigmatiser schématiquement, de séparer le monde en bons et en méchants. Dans le premier tiers en tout cas (le meilleur), Marco a même une belle complexité, suiveur d'une bande de brutes mais lui-même relativement en retrait, skin-head mélancolique peut-être déjà atteint de doute. Ce qu'on nous montre est brutal, et d'ailleurs très bien rendu par la caméra à l'épaule, le rythme fièvreux, le réalisme des scènes de baston ; mais le cadre reste sur Marco (Alban Lenoir, pas mal) pour nous faire comprendre dès le départ que "le ver est dans le fruit", et que la prise de conscience a déjà commencé. En tout cas, reconstitution crédible des agissements de ces groupuscules nazis dans les 80's, et belle démonstration de mise en scène à l'os.

maxresdefault

C'est après que ça se gâte, dès que Diastème se met à penser à notre place et à produire du film à thèse. Appuyée, cette thèse est soulignée par des dialogues sans subtilité, qui nous dictent tout ce qu'on doit ressentir face à cette rédemption improbable. Le scénario enfile les passages obligés comme des perles, en traitant par-dessus la jambe la véracité des situations (ce qui, pour un film qui se veut réaliste, est dommage), en créant artificiellement des situations destinées à mettre en valeur les tourments intérieurs du personnage : celui-ci ne s'exprimant que très peu, Diastème ne voit que les dialogues pour nous expliquer les choses, ou construit des scènes excessives et lourdes (le gars qui sert la soupe aux Restos du coeur après avoir été un nazillon, au secours). Et même si le film se termine sur une fin ouverte, ça ne trompe personne : le réalisateur nous a dirigés façon pantins vers un seul chemin, celui de l'empathie pour Marco et du rejet de ses convictions premières, aussi sincères étaient-elles. Du coup, on a l'impression d'un énième Dossiers de l'Ecran qui nous expliquerait les choses plutôt que de nous les faire comprendre. Il y a avait là de quoi construire un film coup de poing, dérangeant et sulfureux ; Diastème, par trop de timidité, est passé à côté.

Commentaires
Derniers commentaires