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14 octobre 2015

LIVRE : Peindre, Pêcher et laisser mourir (The Painter) de Peter Heller - 2014

9782330055974,0-2716146J'avais béni le Seigneur et tous ses saints à la sortie du premier roman de Peter Heller, La Constellation du Chien, le renouveau du style Jim Harrison. C'est donc forcément un peu déçu que je referme ce nouveau bloc de paysage américain. On y reconnaît sans conteste la patte de Heller, à savoir la patte d'un grand écrivain naturaliste, poète et solitaire, viril et hédoniste comme savent l'être les Américains quand ils s'y mettent ; mais on ne peut que reconnaître que le magnifique dosage des rythmes, l'humour, le sens de la narration, et le mélange savant entre suspense et grands tableaux naturels sont ici un peu délayés dans une trame qui peine à prendre vraiment. Jim Stegner est un peintre coté qui préfère aller taquiner la truite cendrée plutôt que de pariciper aux cocktails faits en son honneur dans les galeries new-yorkaises branchées. Un jour, il croise la route d'un redneck en train de torturer un cheval (oui, les grands écrivains américains lisent les grands écrivains russes), lui pète le nez... et tombe alors dans un engrenage de violence pas très propice au zen qu'il convoitait ni aux poissons qu'il souhaitait pêcher. Le roman noir tente à chaque instant de faire sa percée au milieu du roman de la nature, ce dernier l'emportant tout de même par chaos : Peindre, Pêcher et laisser mourir est un livre consacré à la lente observation de l'eau, des animaux, des jeunes filles qui servent de modèle au peintre, malgré la violence qui le talonne et les flics qui le serrent de plus en plus près.

Une trame policière qui peine à séduire, tant Heller a du mal à l'insérer dans son long poème pastoral. Cette fois, le mélange ne prend pas, on est agacé soit par ces longues pages de description qui font piétiner l'action, soit par ces subites pointes de suspense et d'action qui semblent ajoutées au forceps à l'ensemble. Pourtant aucun doute, Heller est un merveilleux écrivain, capable de vous rendre immédiatement concrète la moindre image d'un poisson frétillant dans une main, un rayon de soleil filant sur son dos ; capable de rendre passionnant un détail technique de pêche alors même que vous n'avez jamais vu une canne de votre vie ; capable tout à coup de faire lever des phrases d'un puissant lyrisme au milieu de paragraphes humbles et modestes ; capable enfin de vous faire sursauter devant un coup de théâtre dans son histoire de meurtres et de vengeance. Aux moments clé de son histoire, le gars est là, pas de doute, et dresse encore de sublimes pages (la tornade qui fait littéralement exploser la rivière, les scènes d'amour avec sa jeune modèle, la scène du cheval) qui vous font retrouver le grand styliste, malin et en pleine possession de son art. Mais il faut reconnaître qu'on s'ennuie un peu devant les répétitions, les pages inutiles et les invraisemblances du scénario. Le piège du deuxième roman, quoi, qui veut trop bien faire ou trop faire différemment. A lire de toute façon, comme tous les livres qu'a faits ou que fera Heller : c'est pas tous les jours que Harrison renaît.

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