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7 octobre 2015

Miss Violence d'Alexandro Avranas - 2012

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Si on en croit les sorties récentes, le cinéma grec se tient bien soigneusement en marge des ambiances méditerranéennes de ses voisins. On est loin du cinéma exubérant et chaleureux d'Italie, d'Espagne ou d'Afrique du Nord, mais plutôt dans des ambiances flirtant avec la froideur des pays nordiques, la crise étant peut-être une façon d'expliquer la chose. En tout cas, Miss Violence cultive une distance clinique qui lui confère un aspect absolument glacial, un peu comme si Haneke était venu visiter l'Acropole. Le maître autrichien semble d'ailleurs être le point de visée de Avranas, qui décide comme lui de travailler sur le non-dit, le caché et le thème de la famille minée de l'intérieur.

venice_miss_violence

Après un beau cadre sur une porte fermée (cadre qui fermera le film également, pour montrer que tout se déroule hors la vue, derrière des portes domestiques), on démarre avec un anniversaire torve, celui d'un jeune gamine : elle esquisse quelques pas de danse ternes avec papa sur la musique de Leonard Cohen, quelques regards assassins vers la soeurette, puis la miss enjambe la rambarde et se jette dans le vide. La séquence se veut trop "coup de poing" pour être vraiment efficace, mais a le mérite de planter les choses. Dès lors, on va scruter le quotidien de cette lisse smala pour tenter de comprendre ce geste inaugural. Peu à peu, façon impressionniste diabolique, Avranas nous donne des billes et on s'enfonce gentiment dans l'horreur ordinaire. En gardant toujours un oeil sur l'écran de contrôle qui diffuse Le Ruban blanc, il plante sa caméra à deux mètres de ses acteurs, cadre en longue focale des décors dépouillés, et raye avec ferveur toutes les lignes de dialogue de son scénario qui pourraient être trop explicites. On comprend pourtant dès le départ qu'il est question là-dedans d'inceste et de viol, mais le film utilise sciemment ses deux heures pour nous y emmener. C'est un peu le souci de la chose : on a toujours l'impression que le film nous devance, nous attend à chaque tournant avant de repartir ; et si on lâche l'affaire, il revient nous titiller. Un film de petit malin, quoi, même si on est obligé de reconnaître la grande force de ces plans et de ces rytmes jansénistes, l'épure de l'écriture et la prise de risques formelle.

MissViolence2_2947571b

Non, parce que côté formel c'est tout simplement impeccable : le gars use avec virtuosité de la profondeur de champ et de "l'objectivité" de ses décors fonctionnels, connait les secrets de la longueur des plans (ces courtes séquences étranges, sans sens, qui jalonnent l'histoire, et qui ne trouveront leur explication qu'en fin de film), sait quand il faut faire vite et quand on peut laisser traîner ; notamment pour une scène de viol, peut-être la plus réaliste qu'on ait pu voir, filmée frontalement, dans toute sa longueur et son horreur, climax hystérique d'un film par ailleurs reservé et froid comme un pope suédois. C'est cette violence infernale, débordante, qui couve sous la surface sans remous, qui donne la tension du film. Dommage que Avranas ait voulu un peu trop crânouiller avec son scénario infernal, et qu'il ait mal jaugé la distance qu'il devait prendre avec son pauvre spectateur. Dans les grands Haneke, c'est la connivence avec le public qui fabrique la violence, et même le sens moral, de ce qui est raconté ; ici, on a un peu l'impression d'un bon élève qui garde son coude devant sa copie pour nous empêcher de piger la leçon. Formellement brillant, mais dans le fond un peu frustrant.

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