Scum (1979) d'Alan Clarke
Un film interdit par Thatcher ne peut pas être totalement mauvais, même s'il est anglais. Clarke nous plonge dans l'enfer vécu par ces jeunes garçons inglish au teint blanc et rouge (comme leur drapeau, c'est pratique) placés en établissement de redressement. Les règles sont stricts, les gardiens constituent une parfaite équipe d'enculés ; dès l'arrivée dans ces écoles-prison, tu es mis au jus : après une attaque en règle de tes coucougnètes, "l'agent d'accueil" t'envoie deux-trois coups de poing bien sentis dans le bide qui ont de quoi te faire réfléchir. Lorsque tu parviens à échapper au serrage de vis de ces matons sadiques, il te reste à affronter le caïd du lieu (qui ne se déplace jamais sans ses deux sbires, l'union faisant la force) : Carlin (Ray Winstone, quelque chose de la bouille et de la fougue de Depardieu jeune), un jeune gars qui arrive au centre et qui passe pour être une forte tête, va en faire la douloureuse expérience. Les trois gars lui tombent dessus dans sa chambre : les coups de boules qu'il reçoit lui laisse des marques énormes à la plus grande joie des gardiens - ces derniers, pour le fun, le font ensuite passer devant le "gouverneur" pour alourdir sa peine : quelques jours en isolement total pour qu'il ait le temps de réfléchir sur le fait que la vie est injuste. Ça va te mater, hein, ptit con !
Ben non. Carlin va saisir la première occasion pour défoncer la tronche du caïd de son aile (l'expression "manger un évier" prend tout son sens), puis celui de l'aile adjacente. Ça, c'est fait et les gardiens font un petit peu moins les malins. Un autre gazier vient quelque peu perturber le bon "ordre" de l'établissement : Archer est un type qui a toujours le sourire aux lèvres, qui se dit végétarien (jusqu'à ne pas vouloir porter de chaussures en cuir, sont cons ces Anglais) et athée rien que pour les emmerder dans leur organisation (en cuisine ou lors des cérémonies religieuses). Il n'hésite également jamais à faire profiter de ses analyses caustiques ces cons de gardiens en leur démontrant qu'ils sont finalement dans la même galère que lui. Chaque nouvelle sanction qu’il se prend sonne comme une petite victoire face à ces types incapables de le faire plier, de lui enlever son éternelle banane. Si ces deux gaziers parviennent à résister, d'autres morflent. Pas facile d'apprendre de but en blanc que ta petite amie vient de mourir (et aucun droit de sortie) ni de se faire sodomiser par trois camarades un peu trop affectueux (sous l'oeil goguenard d'un gardien parfaitement jouasse d'assister à la moindre scène d'avilissement). Si, comme dans Alien, personne ne t’entend crier, il te reste au moins une échappatoire : le suicide. Pas vraiment bon pour l'image de ces maisons de redressement qui n'ont de cesse de t'enfoncer, toujours plus bas, jusqu'à six pieds sous-terre.
Si Clarke filme "à l'économie" (et fermons les yeux, tant que j'y suis, sur ce caméram et ces techniciens qui apparaissent dramatiquement dans le champ : ça arrive...), le film n'en possède pas moins une force brute, pour ne pas dire brutale. Tout l'honneur en revient au jeu des jeunes acteurs parfaitement crédibles dans ce jeu de massacre. Le front bas, le regard droit et sec, blafards ou rouges de honte, de peur, de colère rentrée, ils semblent tous avoir passé un an dans le bazar avant le tournage. Clarke les dirige à la perfection et c’est une qualité qu’on ne peut pas que reconnaître à la chose. Un film donc que je vous conseille fortement : en plus, si jamais vos gamins commencent à vous courir sur le haricot, montrez-leur ce film en leur offrant un voyage en Angleterre. Même si ces centres ont fermé depuis, ils ne sont pas censés le savoir, ces petits cons d’ignares. Punchy comme un coup de trique.