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19 août 2015

LIVRE : Notre Désir est sans Remède de Mathieu Larnaudie - 2015

notre désirCertaines personnes ont des destins déplorables, dirais-je en exergue. C'est le cas par exemple de Frances Farmer, actrice glamour et jolie apparue dans des films que seul Shang a pu voir dans sa compulsion de films noirs inregardables (elle a tourné avec Hawks quand même). D'abord promise aux sommets de la gloire, elle se laissa entraîner par les excès de la boisson et par une violence incontrôlable, avant de voir sa carrière brisée par ses internements en HP avec séances d'électro-chocs. Un destin tragique que Larnaudie relate avec une empathie et un amour pour la belle qui réjouissent les yeux. Farmer est la matière romanesque idéale, physique de rêve, carrière au sein du Hollywood fantasmé par tous, vrillage psychologique fascinant, mort jeune et oubliée. Construisant son livre sur une poignée d'étapes décisives (jeunesse, arrestation, tournage avec Hawks, électro-chocs, dernière apparition publique), pas forcément placées dans l'ordre chronologique, il tourne autour de ces images, de ces coupures de journaux et de ces légendes, et en profite, on s'en doute, pour dresser un portrait de la machine à (broyer les) rêves que constituait le monde du cinéma à l'époque.

Car le livre, dans ses meilleurs moments (la première moitié), est une brillante analyse du caractère social du cinéma, en tant que briseur de rébellion politique, de catalyseur de violence, d'enchanteur de vies banales. Quand Larnaudie s'infiltre sur un plateau de l'époque ou à une avant-première grand crin, on apprécie sa façon de faire revivre l'époque d'or de l'industrie du cinoche, de rendre compte du tourbillon dangereux de ces existences, et surtout de ces jeunes filles-chair à spectacle sacrifiées à l'autel de la concurrence et du spectacle. Parmi elles, Frances Farmer est effectivement un personnage fascinant, mystérieux : qui est-elle ? comment se sent-elle dans ce milieu ? qu'est-ce qui a déclenché sa folie, lors de cette arrestation épique ? et quelles sont ces pensées profondes lors de cette minable émission de télé à laquelle elle se prête avant de disparaître ? On n'en saura rien, Larnaudie se livrant à une sorte de description hyper-minutieuse mais distancée en même temps des faits, n'extrapolant "qu'autour" de Farmer (les pensées du producteur Mayer, de la mère de Frances, du gusse qui paye pour se la taper alors qu'elle est assommée de médocs, etc.) plutôt que de tenter de l'expliquer, elle. Il va pourtant loin dans la précision des émotions et des sentiments, le roman est éprouvant et plein d'un véritable amour pour son modèle. Mais il en conserve l'opacité, il fait bien.

Le style de Larnaudie est plus que jamais virtuose, la longueur des phrases et la complexité de leur construction sont impressionnantes. Parfois, c'est remarquable de tenue, tant il arrive à nous guider dans des phrases d'une page remplies de ponctuation, de parenthèses, de relatives et de digressions sans rien perdre de leur netteté. Parfois, c'est un peu moins lisible, frôlant même la périphrase ou le style ampoulé. On a l'impression, quand le livre se perd un peu (à l'asile psychiatrique, par exemple), que le gars essaye de faire compliqué pour ne pas faire simple. On en sort mi-figue mi-raisin : Larnaudie est bon, mais à deux doigts de se regarder faire. Restent un sujet vraiment intéressant, et une réhabilitation émouvante d'une victime sacrificielle d'Hollywood.

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