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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
13 décembre 2015

The Smell of us (2015) de Larry Clark

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Larry Clark, en filmant des corps adolescents dénudés, peut parfois finir par provoquer un certain malaise, comme si le cinéaste se faisait plus voyeur que véritablement filmeur. Il peut aussi savoir plus faire preuve d'incandescence que d'indécence : en montrant le pouvoir d'attraction de ces corps jeunes sur des adultes décrépits (Clark se mettant lui-même grotesquement en scène) et en traitant parallèlement le désenchantement de ces jeunes, leur malaise, le spectateur retrouve chez Clark cet oeil acéré de metteur en scène plus que celui de simple metteur en branle (oui, c'est un peu lourd, j'en conviens). Les deux scènes les plus "dérangeantes" (1 - Clark en pervers, grand admirateur de pieds qu'il suce tant et plus en beuglant "fuck my nose with your toes" - d'où l'expression "cor de narine" en français ; 2 - cette mère incestueuse, qui ferait passer Brigitte Fontaine pour une nymphette timide, qui insiste pour sucer son ado d'enfant - sous le simple prétexte qu'on s'emmerde un brin) sont celles qui concentrent tout le suc de ce film : des adultes en manque d'amour sexuel et des ados (souvent aussi réactifs qu'une huître) en manque d'amour, comme déjà dégoûtés de la vie, de ce qu'elle peut promettre, de ce qu'elle peut offrir. Il n'est guère étonnant d'ailleurs dans ce portrait de cette énième génération sacrifiée que le seul ado capable d'exprimer des sentiments amoureux finisse par se suicider : ces jeunes, perchés du matin au soir sur leur skate, semblent plus à même de fuir toute responsabilité (sex, drug, alcohol and rock'n'roll) que d’assumer le moindre engagement - c'est d'ailleurs l'un des sens que l'on peut donner à cette séquence où une jeune fille proposant gentiment son corps à l'un de ses potes se fait littéralement planter là : le gars préfère remonter sur son skate avec ses potes et entamer une descente à la coule plutôt que de tomber dans le moindre sentimentalisme de midinette (très ouverte, certes...).

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Clark filme cette bande de jeunes friqués totalement à la dérive en alternant caméra "classique" et téléphone portable : c'est simplement dans l'air du temps, me ferez-vous remarquer avec une moue dubitative. Ok. Mais l'aspect sans doute le plus malin dans la chose, c'est qu'elle donne l'impression que le gars Clark, après avoir lui-même assumé les rôles peu glorieux de clodo déchiqueté et de pervers de l'orteil au sein de son film, parvient une nouvelle fois à se dédoubler : ce petit jeune (véritable assistant-réalisateur du maître Larry) qui passe son temps à capter sur son téléphone les frasques de ses potes, ce pourrait être un Clark rajeuni, fantasmé déjà en quête d'instants magiques.

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Si Clark sait capter comme il sait si bien le faire les sens (en éveil) de ces jeunes, il réussit cette fois-ci avec un certain brio à en capter l'essence : sans tomber dans le psychologisant, les images de Clark ont la capacité de saisir cette odeur pas vraiment de sainteté de cette jeunesse qui patine (...) et se prostitue "sans but" (pour une poignée de dollars - histoire sans doute d'avoir une valeur marchande, pour ne pas dire tout simplement une valeur...). Cette vie d'abus (alcoolique ou sexuel) est vécue jusqu'à la lie par cette jeunesse qui semble porter l'insouciance jusqu'à l'incandescence : on brûle une bagnole pour le fun comme on se fume un ptit joint pour la route. Une énième génération perdue que la caméra affutée de Clark a trouvé sur son chemin : A Clark's movie which smells like teen spirit. Troublant.   (Shang - 16/08/15)


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Enthousiasme partagé pour ce film qui brûle par tous les bouts, bouts qu'il a turgescents. Avec ce film de vieillesse, déraciné, d'une profonde sincérité, Clark revient à ses premières amours punk, et relie ses années de débutant au monde contemporain en un pont esthétique troublant : on croirait le XIXème siècle filmé au téléphone portable par Andy Warhol, ou, pour élargir encore plus le champ, un statuaire grec rejoignant le monde 2.0 des corps marchandisés. The Smell of us est avant tout un manifeste esthétique, une ode sulfureuse aux corps adolescents et à la jeunesse qui s'enfuit : le scénario est presque inexistant, Clark se "contente" de rendre compte de ce qu'est une peau et de ce qu'elle devient en vieillissant. C'est en effet magnifique d'observer comment il relie à l'écran dans un mélange assez glauque, la pureté et la blancheur de ces corps graciles de skateurs et la laideur de son corps à lui, véritable injection d'impureté dans un monde tellement lisse qu'il en est effrayant. Il est beaucoup question de surface dans le film : ce qu'on voit (une certaine innocence, avec ces jeunes qui jouent dans la rue, avec ces peaux d'éphèbes) dément ce qu'on nous raconte: prostitution, déchéance, suicide, drogue, déglingue à tout prix. Du coup le film est étonnamment triste, mélancolique, nostalgique d'un état de grâce physique qui s'est enfui. Clark se livre à un autoportrait en trois étapes : le clochard dégueu, l'obsédé des jeunes corps et le jeune cinéaste fiévreux, et dans les trois il apparaît dans une désarmante nudité ; dans une opposition/complicité avec cette jeunesse shootée, désarmée, triste peut-être, mais vivante et fiévreuse. Il filme ces jeunes gens avec un mélange de fascination et de cruauté, et trouve exactement la bonne distance pour parler d'eux (et de lui). On ressort du machin franchement dérangé (mission n°1 du cinéma remplie, donc), amoureux de la vie et fasciné devant la force de ce regard toujours aussi cru sur la vie. Grand film, encore une fois.   (Gols - 13/12/15)

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Commentaires
J
Oui pat, c'est un régal de voir ce piteux et malsain Clark se saborder lui-même avec ce truc ridicule. Le prochain dans un sauna ou dans un internat ou une cour de récré... Les Cahiers ont adoooooooorééé...
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P
Bon, non, la mission n°1 du cinéma n'est pas de déranger. Enfin, 'pas grave ...<br /> <br /> <br /> <br /> "The smell of us" de Larry Clark est curieusement classé dans les films de l'année par quelques revues "branchées". <br /> <br /> <br /> <br /> C'est pourtant à peine un film, juste quelques bouts de "pellicule numérique" maladroitement collés les uns aux autres sans qu'il y ait beaucoup de sens à l'arrivée. <br /> <br /> <br /> <br /> L'inanité cinématographique, c'est une chose, mais l'attitude de Larry Clark pendant le tournage avec ses jeunes ... "acteurs" et le résultat piteux devraient inciter les cinéphiles à moins d'indulgence. <br /> <br /> <br /> <br /> On attend son prochain "film", sans doute tourné dans un sauna ...
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C
Oh, vos textes sont géniaux! n'ayant pas spécialement apprécié le film, j'y trouve tout de même mon compte.
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