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7 août 2015

Eastern Boys de Robin Campillo - 2014

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Etat des lieux des comportements français vis-à-vis des immigrés sans papier : après l'invasion des Revenants dans le monde des vivants, Campillo filme d'autres indésirables, en l'occurence un groupe de Russes et d'Ukrainiens, et les filme de la même façon : comme une masse étrange, aux codes inconnus, mélange de danger et de fascination, qu'il importe d'intégrer pour vivre en harmonie. Soit donc un Français moyen, fasciné par un jeune clandestin, à qui il demande une passe pour le lendemain ; mais en plus de ce jeune type, il voit débarquer dans son appartement bourgeois toute une bande d'immigrés, qui vont le piller en deux temps trois mouvements. Si on considère l'appartement comme le territoire et les "eastern boys" comme les immigrés, la symbolique politique est facilement décryptable et paraît légèrement douteuse : l'arrivée de ces étrangers, mélange de suavité et de danger, est assimilée à une invasion, et on se dit que le discours du film pourrait bien déplaire au bobo qui rédige ce texte.

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Quand l'appartement du gars est vide, l'un des "envahisseurs" lance pourtant cette phrase : "C'est toi qui nous as demandé de venir". On comprend alors que le discours va être plus complexe que cette magnifique mais gênante scène traumatique. Les relations nouées entre le Français et le jeune Ukrainien vont se complexifier, passant par le marchandage simple des corps, puis l'amour, puis l'amitié, puis l'adoption et enfin l'assimilation complète. Le film est l'histoire d'une intégration, l'histoire d'une civilisation qui en accepte une autre, et de toutes les étapes qu'il a fallu passer pour y arriver. Très fin, le scénario renvoie la balle d'un camp à l'autre : aux clandestins, il donne le danger, la violence, l'absence de scrupules ; au Français, l'esprit supérieur, l'argent humiliant, la fascination exotique. Chacun a ses torts, à un moment ou à un autre, et chacun ses raisons. La qualité du film étant de ne jamais être manichéen, de ne jamais donner de leçons, de garder son mystère pour lui : le "boss" de la bande (superbement interprété par Daniil Vorobyov) peut paraître une petite frappe incontrôlable digne des romans de Stevenson (ce gamin-singe pendu à son cou), il finira pourtant en pleurs à la première contrariété. Marek peut sembler un prostitué uniquement concerné par l'argent, il montrera pourtant un véritable amour pour Daniel. Celui-ci peut paraître dominateur et ambigu, il ira jusqu'à l'héroïsme pour sauver son amant. Par étapes, domination, haine, rejet, acceptation, amour, compréhension, harmonie, ces personnages riches évoluent vers la paix, et le film les accompagne avec un mélange d'empathie et de distance qui fonctionne très bien.

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Le style de Campillo est immédiatement repérable : ambiances froides privilégiant les lieux épurés, complexité assumée des personnages, atmosphères lumineuses presque ouatées, musiques electro radicales. La séquence du cambriolage est absolument parfaite, Olivier Rabourdin est dirigé dans un mélange de peur, d'acceptation et de fascination que la mise en scène met superbement en valeur : à l'instar du personnage, on est entraîné dans une sorte d'hébétude par rapport aux évènements. Le dernier tiers est moins réussi sûrement, quand la trame prend trop le pas sur la mise en scène, quand Campillo veut absolument trouver une résolution à son histoire et se perd dans un film d'aventures qui ne lui va pas au teint. mais on ne peut encore une fois qu'admirer la maîtrise de ce cinéma conceptuel et fort, qui sait parler de thèmes puissants avec intelligence et sans leçon.

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