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12 juin 2015

LIVRE : Ça aussi, ça passera (Tambien esto pasara) de Milena Busquets - 2015

9782070149117,0-2621252A première vue, tout y est pour que je déteste : un "portrait de femme délicat et émouvant", une couverture immonde à base de roman sentimental de plage, un titre annagavaldesque, et un premier chapitre très mauvais... Une forte envie de refermer aussitôt ce livre encensé par la critique, en me disant que définitivement, la littérature pour ménagères de moins de 50 ans fait des ravages et que je vais peut-être me retaper un petit Selby. Et puis, conscience professionnelle, j'ai poussé un peu plus loin, et force m'est aujourd'hui de le reconnaître : c'est un roman absolument bouleversant, le genre qu'on a envie d'offrir à tout le monde parce qu'il a réussi à mettre des mots sur ce qu'on est intimement. Pas moins. Oui, parce que Ça aussi, ça passera, c'est une sorte de roman-somme de notre génération d'aujourd'hui quarantenaires, de ceux qui commencent à perdre leurs parents (et leurs cheveux, putain), et se retrouvent ballots avec leurs restes de joints, leurs anciennes amours qui s'accrochent et leurs demi-amis qui s'éloignent. Busquets arrive à dire ça, dans une langue d'une subtile élégance, arrive à touche du doigt la douleur étrange de se retrouver seul à 40 ans sans avoir vu passer les 20 précédents.

Ca commence par un deuil, celui de la mère. Blanca est une quarantenaire qui se retrouve face à ce gouffre, et qui, pour se changer les idées, va se réfugier à Cadaquès. L'y retrouvera une palanquée de personnages qui l'amèneront tous à tirer une sorte de bilan de sa vie : anciens maris, amants illégitimes, enfants, copines, nouvelles possibilités sexuelles et amoureuses... Blanca se prend en pleine tête le poids des ans, constatant que tout ce qu'on aimait à 20 berges (la drogue, le sexe, le rock, les copains et les nuits blanches) résiste mal au viellissement. Constat très amer, et banal finalement, mais que Busquets magnifie par un ton très original, entre humour mélancolique et frontalité assez violente, sans jamais verser dans le cynisme ou le désespoir : dans ce roman, on vit "quand même", on continue, malgré le constat qu'on n'est jamais préparé à être un adulte. La mort de la mère forcera pourtant Blanca à accepter les choses, dans la douleur mais sous le grand soleil des côtes espagnoles. Le livre est une longue lettre adressée à la mère, à la fois objet de rejet et d'amour total, et une introspection pleine de vie. On en ressort touché comme rarement, par la grâce de cette justesse de ton, de cet humour délicat, et de cette franchise pour dire les choses (Busquets parle de sexe, parle d'infidélité, parle de mort, avec une belle santé). On est finalement très loin de la littérature pour dames : un livre qui remue.

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