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Shangols
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28 mai 2015

Le Cousin Jules (1972) de Dominique Benicheti

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La vie à la campagne, telle quelle, filmée dans la longueur, pour capter les moindres gestes de ce vieil homme, ferronnier, et de sa femme. C’est tout un pan du monde, tout un pan d’enfance (je parle un peu pour moi, là) qui semblent dater d’un autre temps (le siècle dernier : une paille et une éternité). Chez ces gens-là, on ne cause pas, on travaille, chaque geste ayant sa fonction, chaque geste ayant son objectif, son sens. Qu’il s’agisse en trois coups de marteau de donner une forme définitive, magnifiquement arrondie, à un morceau de fer, ou en trois coups de couteau de trancher le pain, les poireaux, les choux et préparer la soupe chaude, on reste captif devant ce monde qui prend son temps pour bien faire les choses. Si préparer le café prend plus de temps que chez Ambre à Nioumachoua (dédicace personnelle) - puiser l’eau du puits, faire chauffer l’eau dans le four à bois, moudre les grains avec un bon vieux moulin à café… -, il est indéniable que l’on prend ensuite tout son temps pour savourer le breuvage, en fumant une roulée pour lui, en regardant  ses mains pour elle. Chaque bouffée de fumée ressemble à un souvenir précieusement gardé, chaque ride semble pouvoir raconter toute une vie. On ne se parle pas, ou guère, peut-être de s’être trop aimé, ou trop haï, ou peut-être tout simplement parce qu’il n’y a plus rien à dire : tout est en place, chacun connaît son rôle au millimètre près ; dans les campagnes, il n’y a bien que le temps qui change. « Il fait chaud », dit-il. «     »  répond-elle en inclinant légèrement la tête.

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Le film semble rendre compte d’une seule journée : il fut en fait tourné sur cinq ans. Il y a d’ailleurs un changement indéniable : elle est partie (la scène sublime de tact avec le fossoyeur qui creuse - on ne comprend qu’après coup l’intelligence de l’insert), notre paysan doit désormais se faire à manger seul. Toute sa journée semble d’ailleurs organisée avec ce but : le repas du soir. Lorsqu’il se met à table, l’œuvre de sa journée est à portée de main : la bouteille pleine, le morceau de pain, la soupe… C’est sans doute, pour être franc, un peu moins spectaculaire que Mad Max 4, notamment au niveau du rythme, mais dix fois plus prenant au niveau esthétique : Pierre William Glenn filme chaque mouvement, chaque instrument comme s’il s’agissait de rendre compte de la vie du dernier des paysans, et le travail sur le son est tout aussi admirable - comme s’il fallait que ces bruits du temps jadis résonnent le plus longtemps possible (cette vie rythmée par le chant du coq (que l’on a envie d’étrangler mais là encore c’est personnel), ces nuits rythmées par les aboiements idiots des chiens). Une partie de campagne, sans bruit, sans fureur, où les tragédies font entendre le simple bruit d’une pelle en fer traçant sa route dans le sol gelé. Le Cousin Jules, à conseiller à tous ces petits cons ultra-communiquant de la génération SMS qui ne regardent plus la vie, qui ne font plus que bêtement commenter du vide (c’était la seconde réac, pardon nostalgique de Shangols, pasque).

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