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4 avril 2015

Masao Adachi de Philippe Grandrieux - 2011

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Grandrieux avait disparu des écrans radars depuis Un Lac, c'était bien dommage ; mais en fait, non : c'est juste que les radars ont de plus en plus de mal à le situer. Le voilà qui refait son entrée par la petite porte, avec cet essai autour de la figure de Masao Adachi, cinéaste japonais expérimental, ami de Wakamatsu et d'Oshima (pour situer le niveau de santé mentale du gars), qui a travaillé dans les années 60-70 sur la notion de révolution, sur le surréalisme, sur la réalité, etc. Quand un grand cinéaste expérimental comme Grandrieux rencontre un autre fou comme Adachi, le résultat ne peut que laisser pantois, et il le fait. Nous voilà immergés en plein déluge d'images, d'impressions et de mots, suivant façon errance la pensée chaotique "in progress" du maître japonais. Grandrieux ouvre son micro au gars, et le laisse divaguer, hésiter, assurer puis corriger une pensée, brillante et poétique mais aussi difiicile, pleine de doutes ; à l'image de cette parole vagabonde, le film choisit une forme hétérogène, pleine de tentatives réussies ou ratées, acceptant tout (ennui, beauté, stagnation, mouvement, poésie, concret), associant de manière fulgurante la pensée de Masao et la matière même du documentaire-essai.

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Tout en écoutant le gars réfléchir à la nature de la Révolution, évoquer des souvenirs de guerilla avec Wakamatsu, tenter de cerner l'influence de Breton sur sa manière de faire, rêver sur de futurs et improbables projets, on voit donc un flot d'images en roue libre : bouts de films du maître refilmés par la caméra mobile de Grandrieux, scènes de vie quotidienne (la très longue séquence d'ouverture où Masao amène sa petite fille faire de la balançoire), plans du Japon urbain moderne et populeux, rêveries sur des bouquets d'arbres, gros trous noirs, ... Au milieu de ce flot d'images, qu'on ressent peu à peu comme des images très "intimes" aussi bien pour le Japonais que pour le Français, les mots se déploient avec force. Si la pensée de Masao reste assez opaque, emprisonnée dans les hésitations et le doute sans arrêt renouvelé, l'impression qui en ressort est celle d'une réflexion en train de se faire en direct, accompagné admirativement par une caméra tendre et interrogatrice. Face à ce personnage "mythique", Grandrieux laisse agir le silence, laisse sonner les paroles, souligne juste de temps en temps par une musique (très belle) ou par une pointe d'image, et finit par ne plus faire que s'asseoir et écouter (tout le final, où Masao décide lui-même des limites du film en train de se faire) : véritable exercice d'amoureux, en quelque sorte. Et il est vrai qu'il est facile de tomber amoureux de ce personnage qui semble avoir vécu trente vies au contact du surréalisme et de la Révolution, et qui en revient aujourd'hui avec une sorte de sagesse à la Montaigne (il reconnaît qu'il sait peu de choses, finalement) que la caméra capte à merveille. Un film plus calme, plus apaisé même que d'habitude pour Philippe Grandrieux, qui reste un des plus grands même quand il écrit pour un collectif (pas bien compris, mais ça fait partie d'une série appelée joliment "Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution"). Très joli.

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