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Shangols
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13 août 2015

Mange tes morts - Tu ne diras point (2014) de Jean-Charles Hue

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Après l’hystérie dolanesque filmée avec moult effets « de manche », il fut bon de se plonger dans cette œuvre sans chichi, pure et dure, décapante. Un romano sort de taule après 15 ans. On pense que le gars (ventripotent et costaud) s’est assagi, nakache. Le type semble encore plus en colère que jamais contre cette saloperie de société et pense rapidement se refaire la main et se remettre à flot en volant un camion de 25 tonnes de cuivre (les gens du voyage restent des types terre-à-terre). Le gros problème, c’est qu’en 15 ans, le monde a quelque peu changé : notre pépère qui se veut rassurant (il emmène dans sa virée ses deux petits frères et son cousin) a vite fait de perdre ses repères (putain, pas moyen de trouver la route de Creil…) et semble même avoir perdu pied, tout simplement, avec ce monde de la nuit… Heureusement pour lui, il a gardé cette rage, ce mélange d’instinct de survie et de protection : cette virée cauchemardesque avait tout pour finir tragiquement mais, grâce à l’énergie et au bagou de notre pépère, il est encore possible, à l’aube et à l’autre bout du tunnel, de voir la lumière apparaître.

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On pensait que les romanos mangeaient des hérissons : c’est bien sûr complétement faux. S’ils ont des goûts culinaires tout à fait similaires à ceux d’un bon gadjo, il y a tout de même une chose qui, dans leur monde, n’existe absolument pas : le subjonctif. « Il faut que j’y vais » ????? Oui, c’est possible et les concordances de temps sont à l’avenant. C’est une petite remarque un peu merdeuse et inutile, je vous l’accorde. Le reste du film, je vous rassure, est fulgurant : on est tout du long en totale immersion, un peu comme si l’on était le cinquième passager de cette bagnole qui fonce vers la mort. On sent venir l’irréparable, on s’accroche avec nos ongles à la banquette, mais on a bien du mal à vouloir chercher à contredire ce taulard bulldozer, ce trompe- la-mort, toujours prêt à mettre son corps entre les balles des flics et les siens. Ce type aime à foncer dans la nuit en volant deux-trois saucissons ou deux-trois bouts de ferraille pour survivre. Cela pourrait sembler suicidaire… et ça l’est. Mais comment faire entendre raison à un type qui a déjà la mort dans le sang ?

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Jean-Charles, tout comme Robert, nous sert une œuvre radicale, sans gras, sans fioriture, et nous embarque sans même qu’on ait le temps d’y trouver à redire, manu militari in a way, dans sa virée. Nous voilà assis à côté de « Grosse Tête » et l’on sent, dès le départ, que l’état d’esprit du mec fleure bon la grosse connerie. Aimer rouler à toute blinde pour provoquer les flics et ensuite mieux les semer, c’est pas forcément sain. On a beau penser courir plus vite que les balles, il y en aura toujours une pour être plus maline que les autres. Et puis je ne parle pas des crocs d’un chien… Bref, cette petite virée, qui avait des allures de « simple petite reprise de contact avec la réalité », va rapidement tourner au carnage (ah oui, le monde est sans doute devenu plus violent, c’est un fait). Comme si notre bande des quatre, en un sens, avait le mauvais œil. On ne croit pas si bien dire. On n’ose disputer à Grosse Tête la pédale de frein et l’on fonce tête baissée dans ce voyage au bout de la nuit. Un voyage dont l’on ressort le souffle coupé. Les gens du voyage trouveront-ils un jour la voie de la sagesse grâce à la foi ?  Maybe  - mais là-haut, sinon, a-t-on foi en eux ? Là, vous voyez bien que c’est une question qui nous dépasse… Une œuvre, au final, qui nous (mal)mène à hue et à dia et dont on ressort, grâce à cette énergie et cette justesse de ton, totalement reboosté. Il faut le dire.   (Shang - 03/04/15)

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Pour cette fois, je ne suivrai pas mon camarade dans la bagnole tunée de ces gitans. Je reconnais complètement le savoir-faire de Hue en matière d'immersion dans un groupe : le gars effectivement nous donne l'impression d'être le cinquième larron de cette bande de bras-cassés dangereux, et comme son film est nerveux comme un polar, on apprécie d'être ainsi pieds et poings liés à leur aventure. Mais cette immersion m'a semblée n'être au service que du vide : le film ne dit rien, ne montre rien non plus, se contentant de fabriquer un suspense pas très tenu autour d'un hypothétique braquage dont on sait d'entrée de jeu qu'il sera foireux. Pour nous intéresser à cette mini-trame, il eût fallu d'autres outils, ceux d'un Bruno Dumont par exemple, que Hue convoite de toute évidence. A commencer par une empathie pour les personnages ; mais comment aimer ces jeunes gens complètement cons, engoncés dans leur manichéisme et leur machisme ? Par ci par là, le scénario leur donne l'occasion de se défendre : certes, la violence fait partie de leur quotidien, l'éducation n'est pas une priorité dans leur milieu, ils sont victimes des clichés, etc. Mais le film ne fait rien pour démentir cet état de choses. On apprécie que la communauté gitane soit représentée autrement que par les crétins à accordéon de Tony Gatlif, certes, mais le portrait qui nous en est ici tendu est tout aussi désolant. Avec de tels anti-héros, le film a du mal à nous toucher, et on se fatigue vite de cette philosophie à la con braillée par des adulescents armés jusqu'aux dents.

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Pour ce qui est du regard sur la communauté ou sur le territoire, la mise en scène est tout aussi frustrante. Le campement des gitans, les relations entre voisins, les sous-clans à l'intérieur des clans, sont très vite expédiés au profit de ce film noir que Hue veut réaliser. Du coup, côté "ethnographique" (cette communauté est mine de rien très peu filmée, ou alors avec ce réalisme poétique fatigant à la Gatlif ou à la Kusturica), c'est très court. Hue avait l'occasion de poser une caméra presque documentaire sur les gitans, mais il ne sait pas filmer le groupe ; il reste concentré sur son acteur principal (pas très bon), frère aux codes d'honneur dépassé qui sort de prison pour recommencer ses braquages. Autre élément nouveau que Hue oublie de filmer : le territoire, là aussi rarement montré, de la banlieue nord de Paris, plus tout à fait Paris, pas encore la Picardie, avec ses paysages urbains désolés et son climat rigoureux, pouvait faire un superbe terrain à filmer, un peu comme Portland pour Gus van Sant. Mais le cinéste ne lève jamais les yeux de son roman noir, et oublie de rendre concret le monde extérieur. Résultat : le film ressemble à un polar raté, bancal, mal rythmé et surtout sans style et inutile.   (Gols - 13/08/15)

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best of 2014,

Commentaires
C
On les avait trouvés bien mollassons, ces gens du voyage..
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