La période est festive d'où la vision de film festif... Je dis "festif" même s'il est question de "kidnapping" (je ne spoile rien). De plus, je n'ai jamais été un grand fan de Fincher pour être franc... Disons, pour faire simple, qu'on sait généralement qu'avec lui on aura droit à notre lot de rebondissements et qu'on aura pas besoin de perdre beaucoup de neurones pour comprendre son discours de fond - s'il y en a un. Le film, reconnaissons-le, est assez subtilement monté pour pouvoir permettre de faire durer le suspense : une femme disparaît (...) ; le mari (Ben Affleck surnommé à Hollywood et à Carnac "le menhir" pour son potentiel expressif...) est tout penaud mais semble loin d'être désespéré... Le gars cache-t-il diaboliquement bien son jeu (ohoh, il avait une liaison avec une ptite jeunette, c'est mal...) ? A moins que sa femme, sous ses petits airs bien sages, soit la reine des salopes, c'est possible aussi...
Fincher nous fait une petite démonstration sur les joies du mariage (l'amour dure deux trois ans, commence alors la haine dure) et sur la connerie du tout médiatique. Le sujet est vaste, certes, et il est traité sur fond de petites énigmes-jeux de piste qui tiennent en haleine (au début tout du moins) ; malheureusement le soufflet retombe très vite... Une fois la première heure passée, un des mystères levé, on a la terrible impression d'être sur une autoroute... Oh le pauvre petit gars qui sait se faire piteux pour s'attirer l'empathie du public, oh la méchante petite blondasse sanguinaire, oh les méchants médias sans foi ni loi qui retournent leur veste à l'envi et finissent par te bouffer tout espoir de liberté... Bon super, mais c'est un peu court pour 2h30 de film ; il y a certes le savoir-faire de l'artisan Fincher mais ce cinéma-là tout en "musique planante" pour planter l'ambiance (Tiens, c'est pas Desplat qui s'y colle... sûrement un de ses adeptes) et en manipulation bigger than life (à la limite de la mysoginie d'ailleurs : se méfier d'une femme qui se dit abusée, mouarf... Peu crédible non plus cette histoire de cutter avec une blonde : elle n'aurait pas été capable, dans la réalité, de sortir la lame ) me passionne rarement... Parfait pour un après-midi dans une chaleur étouffante (j'ai trop chargé la cheminée sans doute), surtout quand on désire ne pas trop se prendre la tête. Mais vite oublié... Already gone, yes... (Shang - 25/12/14)
Très convaincu pour ma part par ce petit thriller qui fait mine d'être un film retors à tiroir pour s'avérer être au final un beau mélodrame romantique à la Hitchcock (façon Notorious). Reprocher au film sa vraisemblance serait lui faire un faux procès. Fincher se fout comme de l'an quarante qu'il soit crédible qu'une femme se fasse saigner dans une bassine avec un cutter pour se venger d'un homme : lui importe seulement la construction de son récit, la mise en scène, le pur plaisir du spectacle, et de ce côté-là c'est très réussi.
Je passe tout de suite aux défauts du truc, ça sera fait. Ca se résume en deux mots : acteurs et dialogues. Le film souffre d'un gros problème de jeu, à mon avis, à commencer par cette fade héroïne (Rosamund Pike), qui joue la salope déviante avec tellement de lourdeur qu'on finit par voir tous les tics. Elle joue clairement pour le spectateur, alors que son rôle devrait au contraire jouer sur le secret et l'opacité. Face à elle, Affleck, engagé de toute évidence pour son manque d'expression, pour en faire une sorte de Cary Grant propre à toutes les projections du spectateur ; mais son opacité confine à la transparence, son manque de charisme est évident. Avec ces deux-là, difficile de faire passer les dialogues impossibles de la première partie (la phase séduction du couple) : qui croira qu'on puisse se draguer de façon aussi lourdingue... et que ça marche !!? Nos deux lisses tourtereaux rivalisent de mots d'esprit à deux balles, font l'amour comme des dieux dans des lumières ocres et sur des musiques trop belles, c'est pénible. On a hâte que la belle quitte la partie, c'est chose faite assez vite.
Le film déroule alors sa fausse trame de suspense, son faux air de polar polanskien, sans annoncer son jeu. La solution finale de la chose, la plus belle qui soit, viendra en toute fin de film. Je ne vais pas dévoiler la trame, qui ménage pourtant peu de surprises. Mais disons que la résolution de tout ça se fera sur un thème purement sentimental, romantique : il importe de retrouver, dans le couple vieillissant, un brin de sincérité, une seconde d'amour dans des relations devenues distantes. On croyait suivre les déboires d'un homme accusé du meurtre de sa femme ; on se retrouve peu à peu en empathie complète avec cette dernière, devenue "biatch" par manque d'amour, et qui monte un stratagème incroyable pour retrouver la beauté du début de son couple. C'est très beau, de faire tenir tout un film sur quelques secondes (une simple expression sur le visage de son mari qui passe à la télé, et qui lui fait comprendre que quelque chose résiste encore dans son amour perdu), et de renverser ainsi totalement le point de vue du spectateur. C'est grâce à la très minutieuse construction du film, qui avance en flashs-back, en montage parallèle entre le point de vue de l'homme, factuel, et celui de la femme, personnel, sentimental (la belle écrit des livres pour enfants, en vers, ce qui donne une aura très sensible à sa narration). On découvre peu à peu un personnage qui refuse l'effondrement de son couple, et qui va devoir prendre une décision radicale pour y remédier. Que Fincher convoque les armes du thriller de base, avec son armada de fausses pistes, d'enquêteurs et de preuves, pour arriver à cette minuscule résolution finale rend Gone Girl beau comme tout, comme un petit cri d'amour étouffé sous le bulldozer du cinéma de genre américain. La mise en scène, supérieurement élégante dans son classicisme, aide encore à enterrer ce joyau noir sous de faux airs de clinquant. Un beau film secret. (Gols - 31/12/14)
Vous l'avez dit : à la moitié du film, l'essentiel est révélé. Problème : il reste 1 h 15 à tenir et le cauchemar empire. Les manipulateurs diaboliques et psychopathes chers au metteur en scène sont de la partie, comme dans Seven et Zodiac. Voir une psychopathe exécuter son plan, en rire et en jouir, n'a aucun intérêt dramatique quand le film ne vous attache pas à son personnage. Ce n'est pas la vision des médias, absolument inoffensive, qui va maintenir l'attention. La peinture du mariage est complètement faussée par cette histoire de folie et vient en direct de la planète Mars : cette femme est prête à tout pour que son mari fasse à nouveau semblant d'être quelqu'un d'autre, alors même qu'elle n'a aucune illusion et sait très bien qu'il ne l'aime plus et la trompe. Ce n'est pas qu'elle veut qu'il lui fasse croire qu'il l'aime, c'est juste qu'il joue l'amoureux. Qu'il soit capable de jouer un rôle. Si vous avez compris, s'il vous plaît, expliquez-moi.
A cause de cette folie, le film ne parle plus de mariage, juste de folie. Et comme d'habitude, elle est vue strictement de l'extérieur et comme un danger pour l'autre et la société. C'est le truc habituel de 99% des films policiers hollywoodiens récents et sûrement de pas mal de romans policiers mais je n'en lis pas de récents. Ce point de vue superficiel, réactionnaire, absolument dénué de compassion se voudrait sans doute caché par l'esthétique du film : je sais, le mot est grand, mais il y a comme dans Zodiac ces cadres larges (tant mieux pour une fois qu'on n'a pas 80% de gros plans) et éclairés de manière très léchée, très bon chic bon genre. Ces choix signalent de façon voyante son ambition et son souci de respectabilité. Mais ils ne nous trompent plus de la part de l'homme qui fait passer sa caméra à travers l'anse d'une cafetière (pour rigoler : https://www.youtube.com/watch?v=kdbpCc3OLgA). Son esthétique de papier glacé est tout à fait cohérente avec son anti-humanisme primaire : ses acteurs sont sûrement bien habillés, coiffés, maquillés et manucurés mais ce ne sont que des gravures de mode. Il les fait jouer sans aucune vérité humaine, pour autant que leurs limitations évidentes leur permettaient d'exprimer quelque chose. Le pire c'est qu'ils sont tellement plats qu'ils ne dégagent aucun mystère : le début devrait être vertigineux, l'homme a-t-il tué, est-il pour quelque chose dans la disparition de sa femme ? Un contre-exemple parfait récent, c'est le génial téléfilm de Jean-Xavier de Lestrade, "La Disparition", sur le même sujet, où Thierry Godard est d'une ambiguïté radicale.
L'écriture est à l'avenant : vous y avez cru aux relations frère soeur, par exemple ?
Le pire est la scène de rencontre des deux personnages, lors de la soirée : ils débitent leur texte, sans aucun naturel, bien trop vite (genre ils sont tellement sophistiqués que ça leur vient comme ça) et surtout sans aucun CHARME, ni lui ni elle. Résultat : je sais pas pour vous, mais on s'en fiche complètement et pour toujours, non ? J'en garde d'autant plus rancune à ce débile de Fincher que j'ai traîné 4 amis en leur disant que ça allait être ambitieux et plus profond que d'habitude et qu'on était tous effondrés en sortant (je dois être un peu débile aussi). L'un nous a fait remarqué en rigolant les absurdités de la fin du film, notamment la police qui après avoir recueilli la femme pleine de sang qui a tué son bourreau prend bien soin de l'interroger dans la même blouse pleine de sang et de la renvoyer toujours pleine de sang chez elle, comme ça elle peut prendre une douche avec son mari, c'est commode pour le scénario.
Bref, quand on n'aime pas spécialement l'humanité, il faut au moins être Stanley Kubrick pour inventer des formes hors du commun.
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