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22 décembre 2014

Un Roi à New-York (A King in New-York) de Charles Chaplin - 1957

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Chute d'un géant. Brisé par son exil, par ses divorces successifs et par une aura en perte de vitesse, Chaplin revient en Europe pour livrer cette oeuvre laborieuse et assez pathétique, et on a mal pour lui de voir combien sa drôlerie et son génie sont dilués dans l'à-peu-près technique, l'amateurisme à tous les postes et la fatigue flagrante. Dans un esprit revanchard et insolent qui l'honore, Chaplin brosse un portrait à charge du maccarthysme qui l'a renvoyé d'Amérique, sous la forme d'un roi déchu trouvant refuge, justement, aux States : il va dans un premier temps s'enthousiasmer devant la modernité du pays, sa vitesse, sa liberté, pour ensuite déchanter quand il va se rendre compte que tout repose sur la délation et la suspicion. L'autoportrait est évident, et c'est vrai que le film est doté d'une touchante sincérité scandalisée qui lui fait gagner des points. On est pourtant loin de l'indignation puissante du Dictateur : A King in New-York est bien trop innocent pour faire du mal à quelque idéologie que ce soit, se perdant dans une comédie laborieuse qui en lisse tous les aspects rugueux.

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Il faut dire que le génie de comédien de Chaplin appartient au passé. Il y a bien encore par ci par là quelques traits drôles, mais on sent le bougre mal à l'aise avec les rythmes et les gags. Il coupe plus souvent qu'à son tour des fins de séquence trop tôt, et on sent bien que c'est pour occulter des défauts trop voyants. Surtout, le gars s'est très mal entouré : la photo surtout est affreuse, peut-être à cause du manque de moyens (ces fonds d'écran new-yorkais ajoutés à l'arrache, ce noir et blanc qui plaque tout, cet aspect "téléfilm"), peut-être surtout à cause du bâclage d'ensemble. Finie la minutie avec laquelle Chaplin travaillait : ce film est visiblement fait dans l'urgence, et mal fait. Seconds rôles pas dirigés (Dawn Addams en potiche), dialogues trop longs, gags de splastick complètement démodés, on a mal pour lui. Comme en plus Chaplin n'est pas le plus moderne des citoyens, on soupire devant ses attaques en règle contre le cinéma violent, le rock'n roll, la publicité ou la télévision ; pour leur opposer la grandeur du cinéma d'antan, il aurait fallu un autre talent que celui-là.

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Heureusement, il reste pas mal de détails qui méritent le détour. A commencer par ce petit môme vraiment intéressant (Michael Chaplin) ou par le valet aux yeux écarquillés (Oliver Johnston). Quelques séquences sont plutôt bien réglées, notamment... les muettes, comme par hasard : le ballet des deux vieux barbons devant la serrure de la salle de bains de la donzelle nue ou le procès final avec le tuyau d'arrosage fixé au doigt. Ca et là, la grandeur de Chaplin refait surface, dans une mimique, une posture, et ça fait oublier la fadeur de la mise en scène (Chaplin n'a jamais été un grand inventeur de ce côté-là, mais c'est sûrement son long-métrage le plus plat techniquement). On pardonne de toute façon tout au grand homme, en se disant que A King in New-York n'est pas un mauvais film, mais un "grand film malade" comme dit Truffaut, et on part revoir ses chefs-d'oeuvre immortels.

Commentaires
H
Décidément, nous ne sommes pas du tout d'accord sur Chaplin, dans le détail de ses films et de ce qui fait son art. J'aimerais m'en tenir à « Let's agree to disagree, et passons à autre chose », mais quand même (et sans revenir encore une fois sur « Chaplin metteur en scène peu inventif » — je n'ai pas le courage de me lancer de nouveau dans d'interminables protestations sur ce point) : « A King in New-York est bien trop innocent pour faire du mal à quelque idéologie que ce soit » ? Vous en êtes vraiment sûrs ? Même au regard du gag de la lance à eau en pleine séance du Comité des activités anti-américaines, en 1957, sans égal à ma connaissance dans aucun film contemporain de ce 'Roi à New York' ? Et quid du sort final de l'enfant, cassé par ledit comité ? Là non plus, dans le cinéma de l'époque, je ne vois pas d'autre mise en lumière d'un tel scandale politique et moral, alors que le maccarthysme était encore tout récent. Rupert Macaby est à mes yeux le plus tragique des enfants cinématographiques, avec le petit Edmund d''Allemagne année zéro'. (Il y aurait peut-être aussi le gamin de 'Los olvidados' qui meurt sordidement sur un tas d'ordures, mais je ne l'ai pas revu depuis très longtemps.)<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à l'esthétique sans apprêt, moderne en diable et délibérément réduite à l'os, je trouve passionnant qu'on la retrouve (fût-ce selon des modalités et avec des finalités différentes), en cette aube des années 1960, chez trois autres des cinéastes les plus importants que la terre ait portés, qui comme Chaplin avaient pourtant fait preuve d'un « pictorialisme » éblouissant quand ils l'avaient souhaité : dans 'Le Diabolique Docteur Mabuse' de Fritz Lang, 'Le Testament du Docteur Cordelier' de Renoir et 'Psychose' d'Hitchcock.
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