Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
7 décembre 2014

LIVRE : Jeudi noir de Michaël Mention - 2014

6a0120a864ed46970b01b8d084aafc970cJ'ai lu deux livres sur le foot cette année, je pense que je file un mauvais coton, mais le fait est que les deux m'ont emballé. Celui-ci s'intéresse à un match absolument mythique, dont même le réfractaire quasi-intégriste de la cause footballistique que je suis se souvient : la demi-finale France/RFA de Séville en 82, qui vit le cassage de gueule de Battiston, qui affolât les scores et qui se terminâsse par la séance de tirs aux buts encore dans toutes les mémoires (non ?). Un match à la dramaturgie proche de la tragédie grecque, qui cristallisât en deux heures de jeu tous les sentiments humains, les plus vils comme les plus nobles : patriotisme virant au nationalisme raciste, brutalité, haine de l'autre, esprit revanchard, mais courage et abnégation, camaraderie et solidarité, il y a eu tout ça dans ce jeudi noir. Mention re-raconte donc le match par le menu, et même si on connaît par coeur les détails de celui-ci, on est accroché par son sens impeccable du suspense, de la narration, qu'il a hérité sans aucun doute de son passé de polardeux. Il choisit habilement de raconter ce moment du point de vue d'un des joueurs de l'équipe de France, fictif, dont on ne s'étonne jamais de la présence alors qu'il n'est pas sur la feuille de match : ça lui permet de traverser tour à tour tous les sentiments qui ont pu envahir les joueurs pendant la partie, de les décrire de l'intérieur, en direct pour ainsi dire. Ca lui permet aussi de trousser une quasi-trame policière, avec ce soupçon de trahison qui se porte sur chacun des joueurs tour à tour (le goal Ettori est-il un peu trop absent ? Didier Six a-t-il raté son penalty exprès ?)

En vrai afficionado du foot, Mention n'hésite pas à en rajouter des louches dans la mythification de ce match, c'est là où se place la limite du livre : que ce match ait condensé les haines anti-allemandes ataviques du Français, je le reconnais ; qu'il faille aller jusqu'à convoquer Hitler, Napoléon, ou les guerres de Prusse pour l'illustrer me semble un peu excessif. Mais tout de même, le livre parvient à restituer quelque chose de "l'esprit sportif" des années 80, mélange de racisme et de rancunes mal digérées autant que de fair-play et de sens de l'honneur. Même si la construction sent parfois le bon élève (cette volonté de citer sans arrêt des détails hors-contexte pour mieux ancrer le livre dans son époque, qui sent la documentation fiévreuse), même si le désir de baser le récit dans les références hard-rock (des citations un peu bêbêtes de chansons bourrines) ne sert à rien, même si ça sent parfois la facilité, Jeudi noir remplit complètement son rôle : nous replonger pendant quelques heures dans ce moment mythique, nous rappeler qu'un match de foot est un évènement qui dépasse le match de foot, et nous faire baver en enfilant les chapitres avec un suspense constant. Du bon travail d'artisan, finalement, maladroit et m'as-tu-vu, mais indéniablement efficace et au petit poil.

Commentaires
Derniers commentaires