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7 mars 2015

Bande de Filles de Céline Sciamma - 2014

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Même quand elle réalise son moins bon film, Céline Sciamma parvient à proposer un des meilleurs films de l'année. Bande de filles ne retrouve pas les fulgurances d'écriture et de jeu de ses précédents chefs-d'oeuvre, mais comporte suffisamment de scènes miraculeuses pour mériter un respect servile. Comme toujours, Sciamma excelle à filmer la jeunesse, et la panoplie de motifs obligatoires qui va avec : l'énergie, la danse, les corps, le rythme. C'est encore une fois là qu'elle est extraordinaire. Cette fois, elle filme un groupe de nanas de banlieue, aux prises non seulement avec leur identité (individuelle et au sein de la bande) mais aussi avec la présence menaçante des autres : grands frères, bandes rivales, amoureux potentiels, etc. Elle s'attarde particulièrement sur Marieme, adolescente au départ assez fade et qui va trouver, au sein de sa bande de copines, sa personnalité, pour le meilleur (l'émancipation progressive de son milieu sclérosant) et pour le pire (s'insérer dans un groupe, c'est sacrifier pas mal de ses valeurs).

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Quand elle se "contente" de montrer ce que c'est qu'un groupe de jeunes filles, Sciamma est excellente. Personne ne sait comme elle capter l'essence même de la jeunesse, ce mélange d'agacement et d'admiration qu'on éprouve face à elle, ce réseau de communications codées qui n'appartient qu'à un groupe, ces regards et cette énergie unique qui passe entre les êtres et les corps. Ca passe notamment par deux scènes géniales : celle d'ouverture du film, incroyable mise en scène qui fait passer en trois minutes d'un groupe de personnages en armure (un match de foot américain), brutaux et asexués, à une jeune fille fragile en sous-vêtements sur un lit ; en quelques plans, on comprend tout ce qui va être mis en place par la suite : thématique de l'individualité au sein du groupee, rapports tendus avec les garçons, soumission et rebellion, l'ensemble passant par la seule mise en scène, d'une énergie incroyable. Deuxième scène grandiose : celle où les quatre copines se retrouvent dans une chambre pour faire la fête. Scène de danse assez attendue dans l'univers de Sciamma, mais une nouvelle fois bluffante dans son utilisation des cadres : une fille seule d'abord, qui chante et danse, puis une autre, puis une autre, etc., dans une montée impeccable du rythme et de l'énergie. Sciamma filme depuis toujours l'état de la jeunesse, et réussit encore une fois ici un vrai exercice de sensibilité autour du sujet. Le film est traversé par des fulgurances, de véritables boules d'énergie (amenées par la musique impeccable de Para One) qui viennent prouver que la dame est bien encore la meilleure pour ça.

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Le film est plus raté dans ce qu'il amène de nouveau dans l'univers de Sciamma : la chronique sociale, presque politique même. On a l'impression d'avoir vu dix fois ces scènes de tension avec le grand frère, par exemple, celles du film étant en plus lourdement écrites (le frère qui se réconcilie en tendant une manette de jeu vidéo à sa soeur, bof...). Sciamma n'est pas faite pour les discours, pas de doute, et les scènes explicatives qui tentent de s'insurger contre la violence envers les filles dans les banlieues sont assez mauvaises. Pire : on anticipe souvent le scénario et même la disposition des plans, tant la réalisatrice peine à sortir du simple copié-collé du genre. Pas crédibles, les acteurs garçons alourdissent le propos, et font perdre la grâce que le film trouve plus souvent qu'à son tour. Sans dialogue, sans cette volonté de "dire" plutôt que montrer (la leçon truffaldienne), le film aurait été un nouveau chef-d'oeuvre. Là, ce n'est qu'un grand film.  (Gols 01/12/14)


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Le troisième opus de Sciamma était sans doute le film qui me mettait l’an dernier le plus l’eau à la bouche. Ne me laissant point abattre par la critique (tiède), faisant pleine confiance en l’ami Gols (chronique ci-dessus), je me faisais une joie de découvrir la chose. Seulement voilà, d’entrée de jeu, mes oreilles tiquèrent : certaines actrices, en voulant surjouer le naturel, jouaient affreusement faux. Et c’est terrible, quand dès le départ, tu as en tête les « moteur, action, coupez ». Heureusement, l’héroïne, dont l’évolution psychologique n’a d’égal que les transformations physiques, est au-dessus du lot et permet souvent d’oublier ces diverses petits couacs de justesse… Elle n’est pourtant pas aidée par les acteurs mâles (tous terriblement mauvais  - le seul qui s’en sort, à la limite, c’est son amoureux auquel on demande de jouer la momie) ni par les scènes casse-gueule de baston - aussi crédibles qu’une déclaration de bonnes intentions de Jean-François Coppé.

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L’histoire de « Vic » (un clin d’œil à La Boum ?) est celle d’une émancipation, une sorte de tragédie intime en cinq actes. Différentes étapes vont venir illustrer la recherche d’autonomie de l’héroïne (le couteau, le baiser, la baston - « fragile mais forte », aurait dit Bernard Lavilliers - , le départ de chez elle,  son « premier emploi »)… Sa confiance va grandissante pendant une bonne partie du film mais va peu à peu s’émousser dans le dernier épisode… jusqu’au craquage final, synonyme sans doute de nouveau départ. Notre Vic est entêtée et pas vraiment du genre passive : elle aime à avoir les rênes en main, dans ce monde de jeunes mâles un peu couillons (les parents sont aux abonnés absents et l’Education Nationale apparaît comme guère compréhensive : deux référents sur la touche). Le portrait de notre jeune fille est assez intéressant en soi tout comme cette séquence diaboliquement rihannesque (qui apparemment, dans le cœur de la jeunesse d’aujourd’hui, aurait remplacé Jean-Jacques Goldman - à vérifier) où notre petite bande se défoule loin des yeux du monde… Une séquence, il est vrai, assez jubilatoire mais qui reste malheureusement un peu unique en son genre (il y aura deux autres scènes de danse, tout de même, assez enlevée). Si, une fois de plus, Sciamma semble particulièrement habile pour filmer ces corps adolescents, elle éprouve un peu plus de mal à nous intéresser ou à nous faire croire à ces petites « prises de têtes » ponctuées d’éclats de rire entre filles : parfois la mayonnaise monte un tantinet, mais elle ne prend jamais réellement… Peut-être parce que la réalisatrice cherche trop à les « mettre en scène » (cette pauvre scène à la Défense où toutes les filles se retrouvent en rang d’oignons, parallèlement  au travelling, à faire semblant de discuter  - c’est Lelouch à la caméra ? (le coup est bas, ok)) et ne lâche jamais vraiment la bride : du coup les « tarplus » ou les « cocottes » sensés traduire le langage djeun’s sonnent souvent creux, superficiels… On adore Sciamma - et la fougue de son actrice principale - donc on ne lui en tiendra pas rigueur : elle reste géniale pour filmer ces corps en mouvement ; il lui manque juste, sans doute, sur le coup un dialoguiste et des acteurs amateurs plus à l’aise face à la caméra. Bande de Filles demeure dans l’état une bonne expérience qui ne fissure pas vraiment les murs de la cité. (Shang 07/03/15)

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