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8 octobre 2014

Barton Fink de Joel & Ethan Coen - 1991

Barton Fink

Barton Fink avait raflé tous les prix au festival de Cannes 1991, ce qui prouve bien que j'étais pas jury (d'autant qu'il y avait La belle Noiseuse dans la sélection). Le film a vieilli aujourd'hui, aucun doute, peut-être en partie parce qu'il a été beaucoup copié (par les Coen brothers eux-mêmes souvent), mais aussi peut-être parce qu'un tel formalisme ne peut que mal supporter le passage vénérable des ans. Le moins qu'on puisse dire en effet, c'est que les Coen ne s'épargnent pas pour ce qui est de produire du style, cherchant visiblement à implanter leur touche avec beaucoup d'insolence. Ca marche, pas à dire : on a là un vrai exercice de style, techniquement impressionnant, scénaristiquement intéressant, et il y aura certainement eu un avant et un après Barton Fink, dans la carrière des frères et peut-être même dans le cinéma américain.

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En surface : l'histoire d'un écrivain bobo qui, après avoir obtenu du succès dans le théâtre underground à tendance humaniste, se voit offrir l'opportunité d'aller à Hollywood pour y pondre un scénario de film de série B ; affres de l'inspiration, petites concessions et grandes trahisons envers soi-même, on voit ce que ça peut donner. Le portrait d'Hollywood, comme on s'y attend, est au vitriol, campé par une poignée de personnages caricaturaux et grotesques pointant la vénalité du milieu, son mauvais goût artistique et son côté "machine à broyer le talent". Les Coen, dans un style hyper clinquant (tronches tordues, jeu d'acteurs dans l'excès, couleurs tellement poussées qu'elles sont écoeurantes), trouve un ton assez fun pour se payer la tête des pontes du cinéma de divertissement, et c'est vrai qu'on se marre bien à les voir se dresser tels des chevaliers blancs contre l'entertainment à tout prix et la rentabilité sine qua non. Pourtant, ce n'est pas tellement dans ce côté-là que le film est le plus attachant. S'il n'était que ça, il serait juste drôle.

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Beaucoup plus réussi est le portrait de cet homme enfermé dans son univers mental. Plus que les décors rutilants de villas à palmiers, les Coen préfèrent filmer cette chambre d'hôtel sordide, comme s'ils filmaient un monde mental isolé de tout. Long couloir infini, papier peint suintant qui se décolle, portes qui font un curieux bruit d'aspiration, sons étranges venant des chambres voisines, sonnette d'appel interminable, garçon de service inquiétant : une véritable symphonie de l'enfermement qui rappelle Polanski (président du jury à l'époque, voyez ?), et qui leur permet de parler de leur vrai sujet : la maladie mentale que constitue le métier de créateur. John Turturro, en sueur et rempli de tics, traînant une pathétique boîte à chapeaux contenant ses espoirs de fiction et son bagage intellectuel (ou la tête d'une femme, au choix) est d'ailleurs parfait pour incarner cet artiste qui s'enferme tellement dans l'obsession de son travail qu'il finit par se couper du monde, et par rendre ses fantasmes concrets. Les arrivées du voisin (John Goodman) ou de la femme fatale (Judy Davis) ne semblent être que des projections de son subconscient, et l'univers entier avec eux. Ca prend la forme de bribes de romans, de scénarios, de fictions, passant du polar (une femme assassinée sur un lit) à une bluette sentimentale (une histoire d'amour avec l'égérie d'un écrivain alcoolique), que Barton n'arrive jamais à rendre concrets. Judicieuse idée : avoir prévu, au sein de ce monde qui part en lambeaux et en non-sens, une fenêtre de sortie, tableau naïf d'une femme face à la mer, qui constituera la seule issue pour Barton vers la santé mentale retrouvée. L'acte créateur est ainsi considéré comme une folie, et on a l'impression d'assister à l'autobiographie des frères Coen, contraints eux aussi de jongler entre leurs aspirations artistiques et l'obligation du succès ; ça rend la chose souvent touchante.

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Le film a de gros défauts de rythme, est parfois maladroit (les scènes too much de la fin), est souvent un peu prisonnier de ses références polanskiennes, veut trop ouvertement se la jouer, est un peu trop crâneur et sûr de lui. Mais il compense son côté poseur par un scénario habile et une direction d'acteurs au taquet. Ca sent un peu la poussière, les audaces de mise en scène ont pris quelques rides depuis que d'autres se sont attelés (souvent mieux) à ce sujet (Lynch, Cronenberg...), mais ça reste un film intéressant.  Voilà tout ce que je peux en dire. Prix du scénario, et peut-être de l'interprétation, c'est déjà bien.

 Quand Cannes,

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