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4 septembre 2014

LIVRE : L'Ecrivain national de Serge Joncour - 2014

9782081249158,0-2289795Agréable roman ne payant pas de mine au demeurant, mais qui est dôté d'un charme indéniable. Joncour, sans façon, avec une discrétion et une modestie qui l'honorent, sait joliment parler de son métier d'écrivain, au quotidien tout autant que dans sa profondeur, et nous offre un livre drolatique et émouvant. On entre de plain-pied dans la trivialité du métier : l'auteur est invité en résidence d'écriture dans une bourgade du centre de la France, comprenez qu'il va devoir se livrer à l'éternel catalogue d'ateliers d'écriture (avec des illettrés), rencontres en médiathèque (avec des chieuses), cocktails municipaux (avec un maire opportuniste et paternaliste) et menus travaux d'écriture dans une chambre d'hôtel tristoune. Les biscuits secs trempés dans le jus d'orange tiède, les clichés que lui renvoient ses lecteurs, les retours tardifs et alcoolisés dans sa chambre, tout est parfaitement décrit là-dedans, et crédible à mort. Dans cet autoportrait en auteur "un peu connu mais pas trop", Joncour ne tombe jamais ni dans le masochisme (il s'en tire avec les honneurs) ni dans la cruauté (il aime finalement beaucoup ses pitoyables personnages) : disons qu'il est plutôt dans la chronique acerbe de la province profonde, un truc à la Chabrol, à la fois drôle et assez triste finalement. La Littérature a finalement peu de place là-dedans, pas le temps, pas l'esprit, et on ne verra jamais notre auteur écrire réellement.

Dès son arrivée sur les lieux, le narrateur découvre un fait divers qui le passionne : la disparition d'un vieux du cru, attribuée à un couple de marginaux néo-ruraux. Le gars va s'éprendre de la femme du couple, vague baboss fatale et manipulatrice, et Joncour va faire de ce fantasme amoureux la sève de son roman. On le sent profondément attiré par le romantisme sulfureux d'être au milieu d'une affaire d'assassinat, amoureux d'une possible meurtrière, et peu à peu cette "vie rêvée d'écrivain" va supplanter ce que ses hôtes attendent de lui : un portrait flatteur de leur communauté, si possible bienveillante envers un projet d'usine douteux lancé par la mairie. Le narrateur préfère s'enfoncer dans ce fantasme d'écrivain aventurier, et Joncour joue très bien du hiatus entre l'affaire sentimentalo-policière qui l'occupe et la trivialité de la réalité. C'est finalement au difficile problème de l'inspiration que L'Ecrivain national s'attaque : qu'est-ce qui constitue l'élément déclencheur de l'écriture ? Quelle est la place de l'écrivain par rapport à la réalité ? Faut-il avoir vécu les choses pour les raconter ? Ce genre de questionnement sérieux passe comme de rien dans ce roman trépidant et très marrant, on applaudit donc.

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