Hearts and Minds (1974) de Peter Davis
Ouch, j'en ai vu des documentaires (sur toutes les guerres du monde, sur les ours, sur les non-voyants sourds...) mais celui-ci fait clairement partie des plus estomaquants, que le mot existe or not. S'il s'agit d'une référence pour Michael Moore, il est dommage que ce dernier n'ait jamais fait preuve par la suite d’une telle sobriété (un doc n'est pas un clip) ou se soit engouffré dans des notes d'humour un peu avariées. Réalisé peu de temps après la fin de la guerre, Hearts and Minds pointe tous les mensonges des cinq gouvernements ricains qui se sont succédés pour justifier cette guerre, pardon ce massacre, montre en partie les horreurs vécues par les Vietnamiens (qui sont aussi des êtres humains nonobstant leur plus petite taille), donne la parole à des militaires repentis et une image pas toujours reluisante de cette société so proud to be ricain, so full of fighting spirit and violent, so stupid to ever admit its mistakes and to learn from them...
Le dernier quart d'heure est proprement insoutenable, non seulement au niveau des images (on connaît les horreurs du napalm) mais aussi par la connerie, la bêtise, l'ignominie de certains discours (le général William C. Westmoreland a la palme) mises en parallèle avec des images terribles (un enterrement déchirant au Vietnam - j'ai automatiquement fermé l'oeil gauche pour auto-flouter la séquence ; cela peut se révéler pratique d'avoir une cornée opaque) ; dans la série « oh putain j’ai la gorge qui se serre » il y a aussi cette séquence de l'effondrement d'un vétéran du Vietnam : pendant tout le film il nous l'a joué genre "guerre propre" (quand on bombarde, on ne voit pas vraiment ce qui se passe au sol, you see) et qui là, tout d'un coup, pensant à ces enfants vietnamiens déchiquetés, pensant à ses propres enfants si la même chose leur arrivait, a l'œil qui s'humidifie - il ne s'effondre pas parce que c'est un homme... mais il semble tout de même intérieurement totalement dévasté par le fait que personne ne semble vouloir aujourd'hui chercher à tirer des enseignements de cette boucherie proprement inutile...
Davis fait également un portrait acide de cette Amérique "couillue" (la séquence bêtasse dans les vestiaires de joueurs de football américain - pardon, j'ai pas fini de vomir... voilà, c'est fait) et "aveugle" (des Ricains célèbrent leur propre indépendance avec défilé en costume d'époque et tout et tout et ces gars qui semblent aussi conservateurs que du formol soulignent que "rien ne peut vaincre un peuple qui se bat pour sa liberté" - alors même que, few thousands miles away, there was a killing field...). Certaines infos, qui sont balancées en passant, sont également assez édifiantes : ainsi le gars Georges Bidault, ancien ministre français des affaires étrangères, un peu de respect, qui déclare que le Général ricain Dulles (alors même que la France était plongée jusqu'au cou dans le conflit en Indochine) lui aurait proposé de lui filer DEUX bombes atomiques ou encore Ho-Chi-Minh himself qui, après la victoire contre la France, aurait pensé que ce combat pour l'indépendance contre une puissance coloniale serait salué par les U.S. (il craignait seulement que le gouvernement ricain ne fasse pas suffisamment attention à cette petite partie du monde... tu parles, bien vu Nostradamus...). Davis nous replonge la tête la première dans ce carnage en soulignant à l'envi les odieux rouages de la politique - pour ne pas dire de la culture - américaine ; ô peuple crédule de l’intelligence de vos élus... A voir absolument. Une fois devrait suffire.