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31 août 2014

LIVRE : Deux Comédiens (A Couple of comedians) de Don Carpenter - 1979

deux-comediens-couvBien séduit depuis un ou deux livres par cet auteur américain méconnu, qui marche sur la big american road bien classique dans la langue, mais sait manier une très belle ironie larvée dans ses textes. Pour cette fois, il s'attaque au quasi-genre du "livre sur Hollywood" à travers le portrait de deux comédiens copains comme cochons qui vont passer quelques jours dans les excès du show-biz avant de reprendre un énième tournage de navet ou une x-ième tournée comique. Avec pour modèle Jerry Lewis et dean Martin, mais dont le couple serait transposé dans les années 70 et leurs montagnes de coke, Carpenter s'amuse beaucoup à portraiturer ces magnats de la finance s'essayant à l'entertainment, ces filles plus ou moins intéressées qui couchent au bout de deux oeillades, ces acteurs vieillissants dépassés par les jeunes, tout ce petit monde en général drogué jusqu'aux oreilles et saouls comme des ânes, enfants attardés sur les plateaux de cinéma et dans les limousines aux vitres fumées.

Le livre pourrait facilement verser dans le jeu de massacre anti-Hollywood à la Keneth Anger, et y verse d'ailleurs parfois ; il est habité d'une réelle colère contre ces clowns irresponsables à la tête des grands studios, dilapidant leur fortune dans des navets populistes. Mais il est beaucoup plus que ça. Parce que Carpenter se tient à hauteur d'homme, sans dominer ses personnages, sans les caricaturer bêtement. Au contraire, même les pires d'entre eux sont attachants, crédibles, vus avec empathie et compréhension. Carpenter aime le pathétique des gens, aime aller chercher au fond de ces pantins extravertis la petite faille qui les rendra humains : ici une femme qui vient s'ajouter à une liste de conquêtes longue comme le bras, mais dont on tombe amoureux ; là, un exemple de droiture morale complètement inattendue dans ce milieu de requins sans scrupules. L'écriture est acérée et mordante à souhait, mais c'est au final la tendresse qui en ressort. C'est surtout grâce à ce choix de l'auteur de raconter tout ça à travers ce duo indissociable. Malgré tous les travers de Jim, le chanteur de charme, addict au plaisir et excessif dans toute son existence, son acolyte David l'aime profondément ; Carpenter raconte ça à la première personne, du point de vue du second, et finit par ne parler que d'une chose : l'amitié indéfectible entre deux potes, la fidélité, la profonde estime entre ces deux gars soudés par une carrière qu'ils doivent tous les deux à l'autre. C'est très touchant de voir David rejoindre Jim à la cime des toits, complètement bourré, de le voir aller chercher le gusse dans d'improbables bouges de Las Vegas la veille d'un tournage, de le voir partager une gonzesse pas farouche, ou de savoir sans avoir besoin de le vérifier qu'il sera là le jour de la première, fidèle au poste. Le roman survolté par moments et étrangement apaisé parfois est en tout cas très joliment tenu pour nous amener jusqu'à cette douce émotion, et ces dernières pages vraiment touchantes. Un faux roman pamphlet, un vrai roman d'amour.

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