LIVRE : Qui ? de Jacques Expert - 2013
Qui a violé et tué, il y a 19 ans, la petite Laetitia ? Hein, qui ? Dans une petite ville de province, l'enquête piétine depuis tout ce temps, mais ce soir, grâce à une émission de télé, la vérité va enfin éclater. Parmi la poignée d'hommes en train de regarder leur écran, il y a le coupable, les amis, accrochez-vous au fauteuil, le compte à rebours est commencé. Voilà, j'ai fait la bande-annonce de ce polar de Jacques Expert, ne comptez pas sur moi pour en faire plus. Ce livre est en effet aussi passionnant qu'un dimanche de pluie, et c'est uniquement parce qu'on se dit qu'il va nous réserver une surprise finale qu'on se force à la lire jusqu'au bout. La surprise n'aura pas lieu, autant vous le dire, et nous voilà gros-jean comme devant.
En plein exercice de style de polar à la française, Expert emprunte à deux veines. D'un côté, Simenon : entendez par là que c'est mal écrit (héhé), mais en plus qu'il y a le passage obligé vers la critique des moeurs provinciales. Tout le monde se connaît, se soupçonne, les haines ataviques se réveillent sous l'influence de cette sordide affaire, et Expert adore montrer la somme de monstruosité et de petitesse cachée dans chacun de ses personnages. Mais ceux-ci sont hyper-caricaturaux, entre les hommes brutaux et les femmes soumises, et les nombreux dialogues que l'auteur met dans leur bouche sonnent aussi faux qu'une fanfare le jour de la Fête de la Musique. Il faut dire que le style est particulièrement infâme, prenant même des tournures de rédaction de collégien appliqué : non seulement Expert ne comprend rien à la psychologie, mais en plus il trousse des phrases avec une platitude consternante, jamais crédible, toujours moche.
Deuxième inspiration, qui lui réussit mieux : l'actualité. On reconnaît dans cette affaire un mélange entre celles d'Outreau (toute un réseau accusé tour à tour, plein de suspects innocentés, etc.) et du petit Grégory (les rancunes familiales, l'enquête au point mort, les lynchages médiatiques), et là, on y croit plus. L'idée de retracer toute l'affaire à travers une émission de télé est plutôt bonne : on suit la lente chute du coupable au présent en parallèle avec la narration au passé, c'est habile. L'émission sert, un peu comme chez Shakespeare (!), à faire craquer l'assassin, c'est là aussi une idée qui fonctionne. Et puis, Expert, en homme de télévision lui-même (il est patron de RTL, nous apprend-on en quatrième de couverture, ce qui explique peut-être la sorte d'analphabétisme du livre), aime l'actualité et parvient à rendre probable cette affaire. Le coupable, on s'en fout complètement, il faut dire, mais le contexte est bien dessiné. D'ailleurs, il y a la très mauvaise idée de nous faire suivre dès le premier chapitre et à la première personne les tribulations de l'assassin tout en nous évitant soigneusement d'en dévoiler l'identité, petit jeu qui finit par agacer et oblige Expert à jongler avec sa trame complètement inutilement. Voilà, un mauvais livre, quoi, hein, on va pas non plus non plus.