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13 juin 2014

Abel Ferrara : Not guilty de Rafi Pitts - 2003

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Un doc en immersion comme on peut en réaliser quand on suit une brigade de flics en intervention ou des pompiers en action ; sauf que là, il s'agit de suivre Abel Ferrara... et c'est tout aussi chaud. Réalisé dans le cadre de l'excellente série "Cinéastes de notre temps", ce film de Pitts a vraiment tout compris à son sujet : il reste systématiquement à deux centimètres de sa cible et tente de restituer l'énergie effarante de l'homme, dopé par la coke, la testosterone et l'odeur de la rue jusqu'à la folie. Le film est survolté, tout comme son héros, qu'on attrappe là dans son quotidien le plus quotidien : comprenez en train d'arpenter sans relâche les rues by night de New-York, éructant des blagues aux passants, jaugeant d'un oeil paillard les passantes, cherchant des bons plans de fête et hululant son amour pour la ville. Le personnage Ferrara est incroyable et justifierait 30 films à lui tout seul : rien que sa gueule cabossée et son humour limite, sa voix affreuse et ses postures de rebelle suffisent à notre bonheur. Pitts parvient tout autant à rendre toute la vérité du gars, mais adopte aussi la meilleure posture possible : le filmer dans son territoire, qu'on appellera la "jungle urbaine" tant ces rues sont peuplées d'êtres barrés, défoncés, fous, au milieu desquels Ferrara est comme un poisson dans le bourbon.

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Comme il est aussi cinéaste à ses heures, ça parle aussi un peu boulot. Mais Pitts a compris, et Ferarra le confirme, que l'essentiel du travail du gars est constitué d'errances dans la ville, et que tout le reste est secondaire. Cela dit, si vous estimez que le compère est un amateur, regardez-le diriger sa comédienne (il est en plein tournage d'un clip, visiblement) : c'est tout aussi exalté que quand il se ballade dans les rues, mélange de jappements, de cris de jouissance, d'ordres très nets, le tout l'oeil fixé sur le cadre : c'est finalement super précis, et on voit vraiment à l'oeuvre un être de cinéma. C'est très joli de le voir construire son plan, très rapidement et en même temps avec une grande précision, et de l'entendre discuter avec ses comédiens : on n'y comprend pas grand-chose, mais on comprend tout. Pour tout le reste du métrage, on a l'impression d'être face à un animal, légèrement effrayant mais très drôle, qui ne se trouve strictement jamais là où on l'attend, capable de colères homériques qui s'éteignent en un quart de seconde, de grandes salves de rires diaboliques ou de longs monologues incompréhensibles. Le gars raconte pleins d'anecdotes auxuquelles on ne comprend rien, revenant sans cesse sur ses heuers de gloire (King of New-York et Bad Lieutenant en étendards) ; c'est l'occasion de la plus belle séquence, où le compère revoit une scène de New Rose Hotel à la télé, scène qu'il semble redécouvrir comme un spectateur lambda : son amour pour les acteurs (et pour les mots) y apparaît vraiment, ainsi qu'une tendresse et une tristesse inattendue. Ferrara serait-il au final un petit oisillon pur et innocent ? Fuck yeaaah.

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