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6 juin 2014

Wrong Cops de Quentin Dupieux - 2014

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Wrong Cops reste encore très regardable et intéressant, mais je tiens ici à avertir Quentin Dupieux d'un danger qui le menace quelque peu : que son originalité ne se transforme en pur système à la longue. A force de vouloir être singulier à tout prix, il frôle parfois l'écueil : son humour déréalisé devient un poil attendu. Voilà son film le moins réussi sûrement, à cause de ça. Son goût pour le non-sens, qu'on pourrait presque qualifier de "non-humour", tourne un peu à vide, et le film pédale assez fréquemment dans la semoule, successions de scènes très réussies et d'autres vraiment ratées.

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Remarquez bien que c'est ce qui fait la qualité du cinéma de Dupieux, ce mélange d'amateurisme et de grande rigueur, ce goût pour l'imparfait, le pas fini. Ca fonctionne encore très bien à pleins de moments dans Wrong Cops. Dans une ambiance assez proche de Buñuel (c'est bien à peu près la seule référence qu'on peut trouver face à cet objet filmique très barré), il déploie une série de saynètes pas forcément liées les unes aux autres, vagues esquisses de gags, débuts de situations très vite avortées, ou aucontraire vagues anecdotes poussées jusqu'au bout du bout. Il s'agit d'une série de portraits de flics tous plus malades les uns que les autres : ripou organisant un trafic de drogue par rats interposés et aimant à écouter du gros son en slip kangourour ; borgne mélancolique rêvant de composer la musique techno parfaite avec son partenaire mourant (un macchabée vivant, genre) ; blondasse hystérique maître-chanteur ; mannequin déviant pour revues pornos gay ; ou obsédé des poitrines féminines prêt à tout pour contempler les boobs de ses collègues. Les situations sont improbables et absurdes, d'autant qu'à l'intérieur de chaque séquence, Dupieux introduit des micro-détails tous plus insignifiants les uns que les autres, mais qui, par leur étrangeté, plongent le film dans un réseau mental assez complexe : une biche qui traverse le paysage, un dialogue bancal avec un producteur de musique, l'apparition d'un personnage issu d'un précédent film de Dupieux et qui ne fait que passer... tout ça semble dire quelque chose, et ne dit rien. Etrange.

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On aime ce style absolument unique, c'est vrai. De plus en plus pro, Dupieux soigne la forme, notamment dans sa direction d'acteurs, et dans la technique (filmage en vidéo très précis dans les cadres et la photo, montage au taquet). En allant fouiller du côté de la comédie américaine contemporaine ou de la série-télé, il améliore son habillage et précise son univers. On aime aussi ce culte de l'étrange, de la singularité, que le gars pousse à bout notamment par l'utilisation d'un Marilyn Manson à contre-emploi : le rocker le plus iconoclaste est ici démaquillé et distribué en gentil geek adolescent en charge de la seule normalité du film. On aime, mais on reproche aussi à Dupieux de stagner un peu sur ses acquis. En gros, son film est souvent ennuyeux à cause de cette laborieuse volonté d'être original à tout prix. La succession de scènes sans sens finit par vider le film de toute substance : puisque tout est permis, on n'attend plus rien, et on regarde ce rêve éveillé d'un oeil mou. Pire : son humour tombe sans vergogne dans le gras, et cesse d'être drôle. Pour une scène réussie (celles avec Eric Judor, vraiment très bien réglées), on a droit à d'autres péniblement lourdes (le compère aime les slips et les allusions sexuelles). On rit moyen, quoi, et on s'éloigne des vrais moments ravageurs des premiers films. On attend de voir ce que Dupieux va bien pouvoir pondre après ça, tant Wrong Cops semble être le dernier soupir de son style première manière.

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