Victor Hugo Architecte (1969) d'Eric Rohmer

Rohmer trouve avec Hugo chaussure à son pied (pour ne pas dire chaussures à ses pieds), celui-ci se montrant aussi doué pour écrire que pour croquer les monuments historiques. S'il est forcément question de Notre-Dame (une façade en forme de H dont Hugo ne pouvait que tomber amoureux), le documentaire fait aussi la part belle aux dessins d'Hugo : dessins qui se distinguent parfois par la simplicité des traits (en trois coups de crayon, le Victor capte la silhouette d'un édifice) ou par le sens aigu des détails (si l'Hugo était un fan du style gothique, il l'était tout autant de l'art de la Renaissance, apprend-on, et des bâtiments un tantinet alambiqués - Tour sur tour ou phare surchargé...). On apprend également que le goût d'Hugo pour les ruines, romantique oblige, tenait au fait que celles-ci faisaient encore mieux apparaître la structure de l'édifice (ben oui, nous, on nous dit "ruines", on pense destruction, ben pas lui, au contraire - c'est là qu'on voit l'artiste, vous me direz).

Sa passion pour les édifices majestueux ou délicieusement retors, on la retrouve bien sûr les descriptions qu'il en fait dans sa prose mais il faut savoir aussi que l'ami Hugo fut un ardent et actif défenseur de la préservation de nombre de bâtiments parisiens qui étaient voués, à son époque, à la destruction. Il ne put cependant rien faire pour sauver le bizarroïde éléphant de la place de la Concorde ou encore la Colonne de la place Vendôme mis à bas par les Communards en 1871 - oui, une autre fut reconstruite depuis, vous ne rêvez pas. Si Hugo aime tant ces traces du passé, il ne cache point une certaine aversion pour l'architecture du XIXème : nombre d'édifices ne sont pour lui que des pâtisseries indigestes et Paris risque à ses yeux, à force que l'on construise des logements sans âme architecturale, de perdre son caractère... Encore un ptit doc qui nous enseigne plein de ptites choses et qui marie à merveille littérature, architecture et coups de crayure - il fallait bien que ça rime, pour l'équilibre et le bon ton. Merci Roroh. 

L'odyssée rhomérique est là