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24 avril 2014

LIVRE : Eux de Claire Castillon - 2014

9782823603651,0-2004110Claire Castillon a bien raison d'exister. Ses ficelles sont un peu grosses, sa punk-attitude un peu adolescente, mais le fait est que, souvent, ses livres apportent un sain contre-champ aux nazeries maternantes de ses contempraines. Il est question ici, en effet, de maternité, d'une jeune femme qui attend son premier môme sous le regard paternaliste et oppressant des "héréditaires", l'armée des proches, amis, collègues et voisins tous prêts à lui dispenser conseils, critiques et désapprobations sur sa manière d'envisager la maternité. Armée de fâcheux que Castillon décrit depuis le point de vue de son héroïne, femme effectivement peu dans les normes quand il s'agit de devenir mère : en plein doute sur ses sentiments envers le père, en opposition frontale avec une mère tellement cynique qu'elle en devient insupportable, assez floue sur son avenir, elle assume pourtant parfaitement ce qu'elle est. A travers son monologue chaotique, Castillon pointe l'enfer que constituent les autres, dans une logorrhée infernale, terriblement juste, qui condamne la bien-pensance et les clichés sur la grossesse et la femme d'aujourd'hui.

Un livre féministe, donc, si on veut, appelons ça comme ça ; mais qui irait à l'inverse du féminisme traditionnel, et rejoindrait plutôt une vision à la Despentes, dans sa façon de frapper façon tomahawk sur l'angélisme des mômans crognonnes. Vivre avec les autres est une épreuve, porter un enfant en augmente encore l'horreur. La dame va assez loin dans la violence des sentiments, grâce à une écriture vraiment très convaincante, slamée, enlevée, très rapide, faite d'impressions, de bouts de dialogues, de mille petits faits narrés en quelques mots mais qui en disent long sur les rapports humains. Dans le meilleur des cas, on dirait du Céline redigéré à l'aune de l'ère sms, dans le pire c'est un peu démonstratif et ça manque parfois de sincérité ; comme si Castillon écrivait dans un autre style que le sien, comme si son livre était un peu trop fabriqué pour être honnête. Mais restons sur les meilleures pages (la première moitié du roman, en gros), et reconnaissons que Castillon a tout de même une façon unique de travailler sa "musique-brouhaha du monde", et livre un texte glacial et violent sur la difficulté à être heureux dans la société normée qui est la nôtre. Un roman bobo ? peut-être un peu, allez. Mais un roman d'une belle frontalité, et qui renvoie pas mal de clichés dans les orties.

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