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22 mars 2014

LIVRE : Nageur de Rivière (The River Swimmer) de Jim Harrison - 2014

9782081262096,0-1996997C'est vrai que l'arrivée d'un nouveau Harrison avait cessé d'être un réel évènement depuis quelques temps, depuis disons qu'il avait arrêté d'y mettre un peu du sien. Ce nouvel opus n'en est pas vraiment un non plus, mais reconnaissons quand même que c'est ce qu'il a fait de mieux depuis longtemps, et qu'on y retrouve même quelques traces du grand Jimmy que l'on aimât du temps de Chien Brun. Ce n'est pas rien. En tout cas dans sa deuxième partie. Le bouquin est en effet composé de deux courts romans, et le deuxième est bien meilleur que le premier.

C'est pourtant une bonne idée de les avoir mis ensemble : les deux textes, aussi différents soient-ils, ont ceci de commun qu'ils décrivent la posture d'un homme face à la nature. Deux postures radicalement différentes pour deux hommes opposés : dans "Au Pays du sans pareil", c'est un peintre vieillissant et urbain qui doit subitement se positionner face à une nature envahissante et inconnue, et renouer avec une famille et des amours qu'il avait perdues ; dans "Nageur de Rivière", c'est un jeune homme obsédé par la nage, et qui va peu à peu être comme phagocyté par la nature, ses mythes et sa magie. Deux axes éternels chez Harrison, qui font un peu le pont entre ses inspirations de toujours. Les deux trames, fortement marquées par cette espèce de "naturalisme poétique" qui évoque parfois Garcia Marquez, font la part belle aux croyances, à une sorte de mystique du paysage typique de la bonne vieille culture amérindienne chère à notre gars. Il y a, comme dans ses meilleurs textes, une fascination pour le sauvage qui se mèle avec des choses humaines beaucoup plus terre-à-terre : le sexe, la bouffe, le quotidien, le monde moderne qui empiète de plus en plus sur les forêts et les rivières, etc. Mais dans le premier texte, la beauté du thème est un peu gâchée par les inspirations fréquentes depuis quelques temps chez Harrison, la farce façon Rabelais, un machisme certain (les pauvres personnages féminins ! où est passée Dalva ?), et surtout un certain bâclage dans l'écriture (la faute, pour une fois, à la traduction de l'excellent Brice Matthieussent ? ou Harrison estime-t-il définitivement qu'il n'a plus rien à prouver ?).

Heureusement, la deuxième nouvelle renoue avec les grands Harrison, grâce à ce mélange entre magie et réalisme, à ce personnage fort de nageur qui s'est juré de traverser tous les fleuves de ses rêves, à ces occurences de la culture indienne (riche idée des "bébés aquatiques" qui vivent dans les rivières en attente d'adoption), à cette écriture beaucoup plus ciselée et fine. Le gars Jim est imparable pour manier une sorte de coq-à-l'âne logique, et s'il nous égare encore un peu par quelques formules intempestives et faussement intelligentes ("Quand on n'est pas jaloux de sa liberté, qui le sera à votre place ?", gné ?), il impressionne par son flow et ses éclats de beauté. Finalement, on relit le premier texte à l'aune du second, et on se dit qu'on tient là un très bon Harrison. C'est donc une bonne nouvelle.

Commentaires
S
Tout à fait cher Martin, très grand souvenir de livre lu il y a bien longtemps - en Point-Seuil ce me semble.
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M
Je lis toujours vos papiers avec plaisir. Lisant celui-ci je repense au fabuleux - et trop méconnu - Aventures dans le commerce des peaux en Alaska de John Hawkes qui reparaît en Folio. Daniel Martin.
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