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12 mars 2014

LIVRE : Mailman de J. Robert Lennon - 2001

9791090724082,0-1908096Les livres publiés aux éditions Toussaint Louverture sont tous les mêmes et sont tous différents : après Exley ou Tesich, voici Lennon, dont le style s'apparente à celui des deux premiers, dont le personnage est sensiblement le même, mais qui pourtant a un style unique qui ne doit rien à personne. On est dans la grande tradition des loosers littéraires : Mailman est un facteur (comme Bukowski ou Miller, voyez ?) dépressif, divorcé, atteint d'une tumeur grosse comme une pastèque, dangereusement obsédé par sa soeur et brimé par sa môman, légèrement pornocrate, et qui en plus lit en cachette le courrier, dont il conserve des photocopies dans son antre qu'on imagine légèrement crasseuse. Son quotidien est fait d'errances, de tout petits évènements sans importance, d'habitudes minables (alcool, médocs, site de fesses sur internet). Le jour où, faute d'une lettre reçue à temps, un gars se suicide à cause de lui, sa vie bascule : de rien, il va parvenir... à rien non plus,dans une sorte d'odyssée du vide (plus de 700 pages, quand même) qui va vous laisser sur le cul. C'est même la grandeur du livre : il ne raconte rien, en tout cas rien de spectaculaire, se contentant d'égrener les faits quotidiens de cette vie ratée pour constituer le portrait d'un Américain moyen dans le monde moderne. Rien de ce qui se passe dans la vie de Mailman n'a le moindre intérêt, sauf peut-être justement cette tumeur qui grossit et qu'il refuse de faire examiner. Même quand il tente de bousculer ça (l'épisode savoureux de l'engagement au Kazakhstan), ça se termine de façon complètement terne et nulle. Peu à peu, à force de naviguer dans ce roman hyper-dense, on voit se dessiner une image de l'Amérique, et du monde en général, violent, cupide, fortement hierarchisé et injuste, où les "petits mecs" comme Mailman ne peuvent qu'être broyés et dévier vers la folie. Lennon raconte ça avec beaucoup d'humour mais beaucoup d'amertume, réussissant un bel équilibre entre les deux sensations. On ne sait jamais si on doit se marrer devant ce personnage pathétique, ou se désoler de lui ressembler tellement.

Le roman est sûrement trop long, parfois bavard et répétitif, mais il fallait ça pour faire ressentir la vacuité d'une existence. Mailman n'arrivera strictement jamais à être un tant soit peu intéressnt, englué qu'il est dans la petitesse de ses ambitions et du monde qui l'entoure. Glaçant, oui, et vraiment intéressant, surtout parce que l'écriture très incisive de Lennon fait le reste : on est vraiment enseveli sous les mots, participant avec le personnage à cette vie sans évènement, grâce à cette construction très originale (c'est raconté par flashs-back qui s'enchâssent les uns dans les autres, sans nous perdre vraiment, mais sans qu'on sache non plus jamais quel est le temps "présent", celui de la narration) et à un vrai goût pour le "trop-plein". Longs paragraphes façon immeubles qui vous tombent sur la tête, grands monologues qui évoquent parfois Jean-Pierre Martinet, phrases interminables qui deviennent de vrais mantras à force d'être répétées tout au long du roman : c'est ce qu'on appelle un style, un vrai de vrai.

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