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10 mars 2014

Le Prix du Danger d'Yves Boisset - 1984

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J'ai toujours trouvé le cinéma de Boisset affligeant, mais il est vrai que ça faisait au moins 20 ans que je n'y étais pas retourné. Le Prix du Danger est certainement un des films les plus emblématiques de ce qu'il faisait : indigné, prophétique et engagé, et en même temps moraliste, théorique et orgueilleux. On apprécie, 30 ans après sa sortie, de constater que le film était vraiment en avance sur son temps : il avait anticipé la télé-réalité trashouille d'aujourd'hui, ce qui est déjà beaucoup, mais avait su également, en plein coeur des superficielles années 80, traiter avec une certaine profondeur de la société du spectacle : on y entend même Marie-France Pisier annoncer la récupération, au sein de l'entreprise du spectacle, de la critique de cette entreprise, elle-même devenant un spectacle. On ne saurait mieux parler de la télé de notre époque, et en cela le film est assez intelligent, faisant se rejoindre Debord et Koh-Lanta en un seul film, d'action qui plus est.  A bon compte il est vrai, Boisset nous demande de nous indigner face à cette télé qui sacrifie tout au gain et au spectacle, dirigée par des affairistes sans scrupule (là aussi, bien vu, le patron de TF1 est à peine caricaturé), faisant du peuple la chair à canon qui alimente le peuple lui-même, enfin on connaît la chanson, et la cause est tout à fait juste. En inventant un jeu où un candidat doit lutter à mort contre ses bourreaux, Boisset a trouvé un bon angle : c'est à la fois aisé de truffer ça d'action et de morceaux de bravoure et de moments théoriques sur l'opium du peuple.

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Opium que le gars ne se prive pas, au passage, de nous fournir gracieusement. Certes, on critique le spectacle facile et abject de la mort ; mais tout le film joue sur cette fascination, sur le suspense (Lanvin va-t-il y passer ou pas ?), jouant un peu avec le feu : on critique tout en tirant les mêmes ficelles. Certes, c'est du cinéma, et on sait que Lanvin ne risque pas vraiment sa vie (quoique : il fait de la cascade franchement casse-gueule, accroché à des petites planches à 50 mètres de hauteur) ; mais tout de même : n'y a-t-il pas, je vous le demande, une certaine ambiguité là-dedans ? Ce qui ne fait aucun doute, par contre, c'est l'incapacité de Boisset à faire du cinéma. Son film est intelligent, pose de bonnes questions, désigne les bons coupables, mais au niveau de la mise en scène, que pouic. Des champs/contre-champs collés au petit bonheur, sans aucun souci d'axe ou d'échelle de plans ; un montage qui sacrifie tout à l'acteur et à la petite expression qu'il ne faut surtout pas perdre quitte à créer un magma de plans courts ; de l'action tellement laborieuse qu'elle en devient risible (beaucoup aimé la chute de Jean-Claude Dreyfuss, qui vise sciemment le matelas disposé à un mètre de lui). Le grand atout, et Boisset peut les remercier, ce sont les acteurs : Piccoli est assez génial dans la surrenchère cabotine, créant un mix entre Jacques Martin et Denis Brognart hallucinant, odieux, clownesque à mort. Et il y a une pleiade de seconds rôles attachants et très concernés (même si la plupart sont en roue libre, Boisset les laissant faire ce qu'ils veulent, observez les bras de Pisier si vous voulez vous en convaincre) : Cremer, Dreyfus, Lazure, Ferréol, Catherine Lachens (j'ai toujours adoré Catherine Lachens).

Et il y a Lanvin, aussi. Mauvais. C'est Lanvin.

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L'ensemble a quand même pris un coup de vieux, tant esthétique que scénaristique. Très bavard, le film n'arrive pas à trouver des résolutions visuelles à ces grandes plages de monologues verbeux sur la monstruosité de la télé, la vénalité de ses dirigeants et la religion qu'elle constitue. C'est donc un film en grande partie radiophonique qu'on a là, qu'on soupçonne à la longue de n'exister que pour passer aux Dossiers de l'Ecran en première partie d'un débat passionnant. Ca manque de chair, pour tout dire, ça manque d'idées de cinéma, et ça devient très donneur de leçons, laissant très peu de place au spectateur pour réfléchir par lui-même : Boisset sait où est le bien, où est le mal, et son manichéisme est tout autant méprisant que les recettes faciles de son présentateur de télé monstrueux. A revoir avec ce petit brin de nostalgie pour notre enfance, oui, et pour l'écriture parfois intelligente de certains des personnages. Pour le reste, ce cinéma gagnerait à être enfin remisé dans les archives d'une cinémathèque quelconque.

19960847

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Commentaires
C
Ca, c'est du commentaire pointu !
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Z
Das Millionenspiel. Téléfilm de Tom Toelle datant de 1970. Première adaptation du bouquin cité plus haut. Et beaucoup mieux réussi que le film de Boisset qui a plagié et a intenté un procès pour plagiat quelques années plus tard. En tout cas Boisset n'a rien anticipé du tout. C'est un visionnaire mais du rétroviseur !
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C
Ah merci ! Je ne me souviens plus de celle-ci, je relirai tout cet été...<br /> <br /> Le tout début de mes deux préférées...<br /> <br /> <br /> <br /> - Les Monstres : sur une planète, deux êtres voient une fusée atterrir et discutent rationnellement. Puis l'un des deux dit à l'autre : "Bon je te laisse, il faut que j'aille tuer ma femme."<br /> <br /> <br /> <br /> - Permis de maraude : sur une planète vivent quelques pêcheurs et agriculteurs. La terre reprend contact avec eux, c'est la dictature, ils ont intérêt à être de bons terriens. Ils construisent une école, une poste, une prison, tout ça étant inutile. Mais il manque quelque chose... alors le maire propose un jour à un habitant : "Tom, ça te dirait de devenir un voleur et un assassin ?"<br /> <br /> <br /> <br /> Génial.
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S
Je te soutiens, Cecil ! Vive Robert Sheckley ! J'adore la nouvelle terrifiante où un couple dort dans un lit et où la femme rêve de serpents....
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C
Vous trouvez le film en avance sur son temps ? Eh bien c'est encore mieux que ça : il est tiré d'une nouvelle parue en recueil en 1960 ! L'auteur en est un très brillant écrivain, Robert Sheckley, dont les nouvelles et les romans sont en apparence de la science-fiction, mais en réalité des satires sociales cruelles et des contes philosophiques (elles plaisent même beaucoup à des profs de philo de ma connaissance). Il a écrit plusieurs nouvelles sur de nouvelles formes de divertissement populaire et la violence, souvent mortelle, n'est jamais loin... et c'est si drôle.<br /> <br /> Je ne m'aventure pas plus loin, c'est un coup à prendre deux râteaux le même jour...
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