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30 janvier 2014

Suzanne de Katell Quillévéré - 2013

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Par rapport à son précédent film, Un Poison violent, le deuxième de Katell Quillévéré est un chef-d'oeuvre. Mais il y a encore du boulot avant que ce cinéma-là soit intéressant. Pourtant, la belle fait sagement ses devoirs du soir, tirant comiquement la langue et ne dépassant pas de la bordure, avec cet objet bien dans les normes du cinéma français sérieux et convenable. Le scénario et les acteurs y sont rois, la mise en scène est transparente ("sobre", dirait-elle sûrement), et on s'efforce en plus de faire croire à de l'audace dans la façon de raconter. Rien à dire, c'est dans les clous. De là à ouvrir autre chose qu'un oeil morne sur ce tout petit film sans intérêt, il y a un pas.

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Le grand truc de Quillévéré, celui dont elle semble tirer une fierté totale, c'est l'ellipse. Le film est raconté en épisodes fermés sur eux-mêmes, séparés par des plages de "noir" qui occultent parfois des années. On nous narre ainsi 20 ans de la vie de Suzanne, enfant puis ado banale qui, par amour pour un petit voyou, va peu à peu briser les liens avec sa famille (un père modeste et secret mais aimant, une soeur énergique et solidaire, un fils né trop tôt), quitte à se renier elle-même ; on nous les narre par strates, par tranches de vie, et les séquences osent pafois des hiatus intéressants : on peut passer de la rencontre avec un garçon à, hop, sans transition, la première nuit de Suzanne en prison, par exemple. Ce principe pourrait fonctionner si Quillévéré, par timidité, n'invalidait pas systématiquement la trouvaille par des dialogues sur-explicatifs qui viennent tout bousiller. A quoi est-ce que ça sert de nous soustraire les raisons pour lesquelles Suzanne a été arrêtée si c'est pour enregistrer aussitôt 5 pages de monologue du procureur qui nous explique en long et en large ses exactions ? D'un côté, on pratique l'ellipse, de l'autre on nous explique tout ce qui s'est passé pendant icelle. Du coup, le film est très bavard, compensant les "vides" bienvenus de la mise en scène par des mots.

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Ce qui m'amène à ma deuxième critique : Suzanne est un film-tronc, un de ceux qui ne connaissent que le plan américain et le plan rapproché pour ne montrer que des visages et des épaules, que des gens qui parlent. Le corps est complètement occulté, dans un film qui tente pourtant de parler des étapes de l'initiation d'une jeune fille. Asexuée, terrifiée par la présence physique des comédiennes, la réalisatrice, là encore, préfère dire que montrer, expliquer que filmer. C'est d'autant plus regrettable qu'elle avait à sa disposition, avec Sara Forestier et Adèle Haenel, deux boules d'énergie, deux entités physiques intéressantes. Elle les efface complètement en ne montrant jamais leurs corps, en ne montrant jamais ce que c'est qu'une fille qui grandit, comment ses héroïnes s'inscrivent dans ce qui les entoure (les choix des décors dans les scènes extérieures sont désolants). Il suffit de regarder les costumes, affreux, pour s'en rendre compte Quillévéré a un vrai problème avec les costumes, ceux de Un Poison violent étaient tout aussi immondes). La belle tente pourtant de faire mine de rien : un travelling sur Forestier qui court façon Mauvais Sang, quelques gifles ou bagarres pialatesques : rien n'y fait, son film est déréalisé et verbeux, jamais habité, incarné ou sanguin.

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A son crédit, notons quand même que les acteurs sont pas mal, même si Forestier, la pauvre, est en charge de scènes proprement injouables et qu'elle doit jouer quand même. Découvrir la photo de sa soeur sur une pierre tombale, c'est pas facile à rendre, et plutôt que couper, Quillévéré filme une actrice abandonnée à elle-même et du coup assez nulle dans ce type de situation. Bon, mais ça se regarde sans trop d'effort, la présence fine de François Damiens ou les jolies scènes de début (l'enfance) sont suffisamment touchantes. Comme la finaude ajoute (maladroitement) une poignée de tubes musicaux agréables, on écoute ça sans déplaisir. Mais encore une fois, Quillévéré nous a pondu un truc plus que dispensable.

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